dimanche 2 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°7. Lettre encyclique de Saint Photios.

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LETTRE ENCYCLIQUE DE SAINT PHOTIOS

Aux Sièges Episcopaux d’Orient, d’Alexandrie
et tous les autres, où l’on donne
la solution de quelques points capitaux ;
et qu’il faut dire que l’Esprit provient du Père seul,
et non pas du Père et du Fils.

1. Non, le malin n’était pas encore, ce semble, repu de maux, ni arrivé au terme des pièges et des machinations, qu’il s’est ingénié, dès les origines, à susciter des malheurs contre le genre humain. Innombrables furent ses tromperies, avant la venue du Maître dans la chair, qui égarèrent l’homme, en le poussant à des actes contraires à la nature et à la loi ; ce qui lui permit de renforcer, par la violen­ce, la tyrannie qu’il exerçait déjà sur lui ; innombrables, après l’avènement du Seigneur, les erreurs et les appâts qu’il n’a cessé d’inventer, sans relâche, pour faire trébucher et tomber dans ses griffes ceux qui lui font confiance. D’où les Simoniens et les Marcionites, les Montanistes, les Manètes et le pullulement des hérésies bigarrées et multiformes dans leur combat contre Dieu. D’où Arius, Macédonius, Nestorius, et Dioscore et tout le régiment de l’impiété. Contre ces hérésies se sont réunis les Sept Conciles Saints et Œcuméniques, ainsi que les assemblées locales des hommes saints et théophores : ils ont extirpé, avec le glaive de l’Esprit, ces mauvaises pousses gourmandes, et nettoyé le champ de l’Eglise pour la moisson nouvelle.


2. Or donc, ces hérésies balayées et abandonnées au silence et à l’oubli, une belle et profonde espé­rance faisait la nourriture des hommes pieux : celle de ne plus jamais voir personne inventer de nouvel­les impiétés, puisque, dans toutes les tentatives faites par le malin, les décisions conciliaires s’étaient retournées contre lui ; ni voir surgir de nouveaux champions pour défendre et soutenir les doctrines déjà condamnées en concile, vu le sort et le renversement final de leurs premiers auteurs, et la ruine de ceux qui s’appliquaient à suivre leur exemple. Dans ces espérances, donc, les pieuses pensées retrouvaient le calme ; et cela surtout dans la ville de l’empereur (Constantinople), où l’on a vu, à mainte reprise, grâce à la coopération de Dieu, des situations sans espoir se redresser ; où d’innombrables bouches ont recraché ce qui les souillait pour apprendre à chanter avec nous, le Modeleur et Créateur de toute chose ; comme d’un sommet élevé et haut perché, la ville impériale fait jaillir les sources de l’Orthodoxie, répand, dans toute leur pureté, les flots de la piété jusqu’aux confins de l’univers, et arrose de dogmes, à l’instar de fleuves, les âmes de ces contrées lointaines ; et ces âmes, depuis longtemps desséchées par les tisons de l’impiété ou de pratiques cultuelles arbitraires, et transformées en déserts et en jachères dévastées, ne laissent pas, une fois baignées de la pluie de l’enseignement et rendues riantes par la culture, d’enrichir de leurs fruits la campagne du Christ. Ainsi, les Arméniens autrefois prisonniers de l’impiété jacobite et ennemis prétentieux de la proclamation droite de la piété, depuis qu’a eu lieu en Chalcédoine ce grand concile, nombreux et saints, de nos Pères -réuni avec le secours que vos prières nous apportent - depuis ce moment, dis-je, ils ont trouvé la force de revenir de leur longue erreur : si bien qu’aujourd’hui le peuple arménien célèbre, en toute pureté et orthodoxie, le culte des chrétiens ;
Quant à Eutychès et à Dioscore, à ces Pierre qui jettent des pierres à la piété, à Julien d’Halicarnasse et à toutes les graines qu’ils ont éparpillées de par le monde, il les exècre et les jette dans les liens infrangibles de l’anathème, comme le fait l’Eglise universelle.

3. Mieux encore, le peuple bulgare lui aussi, jusqu’ici barbare et rnisochrist, est passé à une si grande douceur et connaissance de Dieu, qu’il a soudain quitté, comme dans une extase, les cérémonies orgiaques qu’il tenait de ses pères et des démons, et rejeté l’erreur des superstitions helléniques, pour venir, miraculeusement, se greffer à la foi chrétienne.

4. Mais hélas ! Quel crime, quel maléfice, quel sacrilège a donc été résolu et perpétré ! Un si beau récit, prélude de Bonnes Nouvelles et d’Evangiles, fait place à la consternation ; la joie et l’allégresse se tournent en deuil et en larmes. A peine ce peuple venait-il - il n’y avait pas deux ans - d’embrasser la religion chrétienne orthodoxe : des êtres impies et abominables - quel nom la piété ne leur donnerait-elle pas ? - des êtres qui montent des ténèbres - de fait, c’était des rejetons de la partie occidentale - malheur ! comment dire la suite ? Fondant sur ce peuple nouvellement fixé dans la piété et nouvellement affermi, ces gens, comme un éclair de foudre, un tremblement de terre, une tempête de grêle, ou, pour mieux dire, comme des sangliers sauvages, ont assailli la vigne du Seigneur, la vigne bien-aimée et nouvellement née, et, à coup de crocs et de sabots, je veux dire de pratiques pernicieuses et de corruption du dogme - car ils ont poussé l’audace jusque là - ils l’ont entièrement ravagée. Ils ont entraîné ce peuple loin des dogmes droits et purs, et de la foi irréprochable des chrétiens, s’efforçant, par leurs fourberies, de le pervertir et de le jeter à bas.

5. Pour commencer, ils ont introduit chez eux, contre les saints canons, le jeûne du samedi. Puis s’en prenant au grand carême, ils en ont détaché la première semaine : ils y autorisent, au lieu du jeûne, la consommation du lait et du fromage, bref l’abus glouton des laitages. Après cette entrée en matière, ils se sont ouvert toute grande la route des transgressions, et détournés de la voie droite et royale, en allant s’attaquer à d’honorables prêtres légitimement mariés : ces débauchés qui ont séduit beaucoup de jeunes filles sans les épouser et les ont laissé élever des enfants dont personne n’a vu le père, ce sont eux qui, d’authentiques prêtres de Dieu, ont réussi à faire des objets d’aversion et d’exécration ; ils vont semant là-bas les graines du terroir de Mani et gâtent les âmes où commençait tout juste à germer la semence de la piété, en répandant l’ivraie sur le bon grain.

6. Outre cela, ils n’ont pas frémi non plus de refaire la chrismation de ceux qui avaient reçu l’onction sacrée de la main d’un prêtre : ils se proclament évêques et soutiennent cette monstruosité, que la chrismation donnée par les prêtres est sans valeur, et son accomplissement, vide de sens.

7. A-t-on jamais rien vu de plus extravagant que la folie qu’ils osent commettre, sans la moindre retenue ? Refaire la chrismation de ceux qui avaient une fois reçu le Saint Chrême, et jeter les surnaturels et divins mystères des chrétiens, en les ridiculisant par cette clownerie, en pâture aux bavards et aux rieurs ! Et regarde la subtilité qu’ils ont imaginée, en vrais sacrilèges qu’ils sont :  

''II n’est pas permis aux prêtres, déclarent-ils, de sanctifier les initiés par l’huile bénite ; c’est aux seuls évêques que la loi confie ce soin". D’où sort cette loi ? Qui l’a établie ? Lequel des Apôtres ? Alors, des Pères ? Serait-ce l’un des conciles ? Où et quand réuni ? Confirmé par quels suffrages ? Il n’est pas permis au prêtre d’apposer le sceau de l’onction sur les nouveaux baptisés ? alors il ne peut pas non plus baptiser du tout, ni célébrer la liturgie. Et voilà un prêtre, non pas une moitié de prêtre, mais un prêtre entier, ravalé au rang de simple laïc. Il consacre le Corps et le Sang souverains du Christ, et par eux sanctifie ceux qui ont déjà reçu le mystère du baptême : comment ne pourra-t-il pas sanctifier en les chrismant les nouveaux baptisés ? Le prêtre baptise, c’est lui qui opère le sacrement qui fait don de la purification au baptisé : comment, de la purification qui est son oeuvre et son office, lui ôteras-tu le sceau et la garde ? Or tu le lui ôtes bel et bien, et tu ne lui permets ni d’être le serviteur du don, ni même d’officier pour purifier quiconque de façon que ton prêtre, pompeusement paré de noms dépouillés de sens, entre, lui aussi, dans la danse et te reconnaisse comme le coryphée de ce ballet, autrement dit comme son évêque.

8. Puis, loin de s’en tenir à ces abus, ils ont couru d’un seul élan jusqu’au faîte des horreurs. Non contents des insanités que j’ai rapportées, ils ont porté les mains jusque sur le saint et sacré symbole de la foi, ce symbole dont la force, par le consentement unanime des conciles et de tout l’univers, est invincible, ils ont essayé de le fausser, à grands renforts de raisonnements bâtards, de discours controuvés, et d’une audace sans borne. Ô machinations du malin ! Que l’Esprit Saint procède, non du Père seul, mais aussi du Fils, tel est leur langage nouveau.

9. A-t-on jamais entendu, de la part de tous les impies qui ont jamais été, pareil éclat de voix ? Quel serpent tortueux a craché ce venin dans leur coeur ? Qui d’entre les chrétiens effectifs supporterait un instant de voir introduire, dans la Sainte Trinité, deux causes, pour le Fils et l’Esprit, d’une part, le Père ; d’autre part, de nouveau pour l’Esprit, le Fils ? De voir décomposer la monarchie en dithéisme, mettre en pièces la théologie chrétienne, ni plus ni moins que la mythologie païenne et léser gravement la dignité de la Trinité monarchique et suressentielle ? Or, pourquoi l’Esprit procéderait-il aussi du Fils ? Si en effet la procession hors du Père est parfaite - or elle l’est, puisque Dieu parfait, issu d’un Dieu parfait - qu’est donc la procession hors du Fils, et pourquoi est-elle ? Pour une raison assurément superflue et vide de sens.

10. En outre, si l’Esprit procède du Fils, tout comme du Père, pourquoi le Fils, à son tour, n’est-il pas engendré de l’Esprit, tout comme du Père ? Qu’ils le disent donc, pour que tout, chez ces impies, soit impiété, leurs pensées comme leurs paroles, et que leur effronterie ne laisse plus rien à désirer.

11. Considère encore ce point : si la singularité propre de l’Esprit se reconnaît bien dans le fait qu’il procède du Père et, de même, celle du Fils, dans le fait que le Fils est engendré ; et que, comme le disent ces insensés, l’Esprit procède aussi du Fils ; alors l’Esprit se distingue du Père par un plus grand nombre de singularités que le Fils. En effet, la provenance.de l’Esprit hors d’eux est commune au Père et au Fils ; mais la procession hors du Père, ainsi évidemment que la procession hors du Fils, appartiennent en propre à l’Esprit.
Or, si l’Esprit se distingue par un plus grand nombre de différences que le Fils, le Fils sera plus proche que l’Esprit de l’essence du Père. Et voilà comment rentre en scène, sur la pointe des pieds, l’hérésie audacieuse de Macédonius contre l’Esprit, empruntant l’intrigue et les tréteaux de cette nouvelle troupe.

12. Autre point. Si tout ce qui appartient en commun au Père et au Fils est aussi le bien indivis de l’Esprit - comme le fait d’être Dieu, d’être Roi, Démiurge, Tout-Puissant, Suressentiel, Simple, Indescriptible, Incorporel, Invisible et, en un mot, tous les autres attributs, et que la provenance de l’Esprit hors du Père et du Fils appartient en commun au Père et au Fils ; alors l’Esprit procédera aussi de lui-même. Il sera principe de lui-même et cause, en même temps que causé. Chimère dont les mythes païens eux-mêmes n’offrent pas d’exemple.

13. Qui plus est, s’il appartient au seul Esprit de se référer à des principes différents, pourquoi n’appartient-il pas au seul Esprit d’avoir un principe polyarchique ?

14. Et s’ils bannissent l’Esprit de choses dans lesquelles, d’après leur innovation, communient le Père et le Fils ; et que le Père forme bien union et communauté avec le Fils selon l’essence, mais non selon quelqu’une des propriétés personnelles ; alors, de la parenté selon l’essence, ils excluent l’Esprit.

15. On voit qu’ils n’ont aucune raison de se faire appeler chrétiens - ou plutôt une très bonne rai­son : c’est pour attraper plus facilement leur gibier. ''L’Esprit procède du Père et du Fils'' : d’où sort cette affirmation ? De quels Evangélistes tient-on cette parole ? De quel concile ce mot blas­phématoire ?

16. Notre Seigneur et Dieu déclare : ''L’Esprit, qui procède du Père'' ; les pères de cette impiété nouvelle : "L’Esprit, qui procède du Fils". Qui ne se bouchera les oreilles devant l’énormité de ce blasphème ? Il contredit les Evangiles, se pose en adversaire des saints conciles, fait mentir les écrits des Pères saints et bienheureux, Athanase le grand, Grégoire, la gloire de la théologie, Basile le grand, colonne royale de l’Eglise, et la bouche d’or de l’univers, l’océan de la sagesse, Chrysostome le bien-nommé. Et pourquoi citer tel ou tel ? C’est contre tous les saints prophètes, apôtres, hiérarques et martyrs à la fois, et contre les paroles mêmes du Maître, que prend les armes cette parole blasphématoire et théomaque.

17. L’Esprit procède du Fils ? Cette procession est-elle la même que celle du Père, ou opposée à cette dernière ? Si c’est la même, comment les propriétés personnelles ne sont-elles pas confondues et rendues communes ? Or, c’est par elles, et par elles seules, que la Trinité se caractérise comme Trinité, et peut être adorée comme telle. Si elle est opposée à celle du Père, n’est-ce pas une réédition des Manètes et des Marcionites qu’ils nous proposent ici, recommençant, en théomaques, à tirer la langue contre le Père et le Fils ?

18. Ajoutons que si le Fils est engendré du Père et que l’Esprit procède du Père et du Fils, l’Esprit, en tant qu’il se rapporte à deux causes, ne pourra même pas se défendre d’être un composé.


19. De plus, si le Fils est engendré du Père et que l’Esprit procède du Père et du Fils, quoi de nouveau pour l’Esprit, qui empêche que quelque autre procède de lui ? Et qui empêche que s’introduise, conformément à leur pensée théomaque, non pas trois, mais bien quatre hypostases, ou plutôt une infinité d’hypostases, la quatrième d’entre elles en projetant une autre, cette dernière à son tour une autre, et ainsi de suite, pour finir par tomber dans la pléthore des dieux grecs.

20. En sus des points envisagés, il faut considérer celui-ci : s’il est vrai que la provenance de l’Esprit hors du Père aboutit à une existence parfaite, qu’apportera donc à l’Esprit la procession hors du Fils quand celle du Père suffit pour donner existence ? Nul, en effet, n’oserait prétendre qu’elle aboutit à quelque autre chose, une de celles qui sont autour de l’Essence, puisque la Nature bienheureuse et divine dont nous parlons est aussi étrangère que possible à toute dualité et à toute composition.

21. Outre les arguments précédents, si tout ce qui n’appartient pas en commun à la Toute-Puissante, Consubstantielle et surnaturelle Trinité, est le fait d’un seul des trois ; dans ces conditions, comment pourront-ils ne pas désavouer leur mystagogie favorite et communautaire ? Mais s’ils prétendent que c’est du Fils, pourquoi n’ont-ils pas hardiment dévoilé dès le début toute la stratégie de leur lutte contre Dieu, à savoir : ne pas se contenter d’associer le Fils à la projection de l’Esprit, mais aller jusqu’à en priver le Père ? Ils ne vont probablement pas s’arrêter en si bon chemin, mais subvertir aussi la Génération après la Projection, et déclarer cette chose monstrueuse, que le Fils n’est pas, lui non plus, engendré par le Père, mais le Père par le Fils, de façon à tenir le haut du pavé, non seulement chez les impies, mais aussi chez les fous.

22. Voici encore de quoi mettre à jour le dessein impie et sot qui est le leur : puisqu’en effet tout ce que l’on peut considérer ou énoncer à propos de la Toute Sainte, Connaturelle et Suressentielle Trinité, appartient, sans aucune exception, ou bien en commun à Tous, ou bien à un et à un seul des Trois ; que, d’autre part, la Projection de l’Esprit n’est ni chose commune, ni non plus, selon leurs dires, d’un et d’un seul ; alors, dans la Trinité toute parfaite, dans la Trinité principe de vie, - qu’elle nous soit propice et que ce blasphème retombe sur leur tête - la Projection de l’Esprit n’a aucune place.

23. Des milliers et des milliers d’arguments pourraient s’ajouter à ceux là, par mesures pleines, pour confondre leur opinion athée ; mais je ne saurais les inclure à la présente, ni en faire ici, dans une simple lettre, l’exposé ordonné. Aussi n’ai-je fourni ci-dessus qu’une information élémentaire et une esquisse, réservant le détail des réfutations particulières et la présentation développée de nos enseignements pour le temps où, Dieu voulant, se tiendra notre convention.

24. Telle est donc l’impiété que ces évêques des ténèbres - ils se faisaient passer pour évêques ! - semaient dans toute la Bulgarie et je ne compte pas les autres iniquités. La rumeur en est venue à nos oreilles ; blessés jusqu’au fond des entrailles de ce coup mortel, il nous a semblé voir les fruits de notre ventre devenir sous nos yeux la proie des serpents et des fauves, et finir broyés et mis en lambeaux.
Nous qui n’avons ménagé ni peines, ni labeurs, ni suées, afin que ces êtres soient régénérés et rendus parfaits, sommes d’autant plus cruellement accablés de malheur et de chagrin devant la mise à mort de notre progéniture.

25. Le deuil qui nous frappe dans une occasion si triste n’a d’égal que la joie qui nous a remplie en les voyant délivrés de leurs erreurs d’autrefois.

26. Ainsi, nous avons pleuré sur ces chers enfants et nous pleurons encore ; et, pour les relever de cette chute, nous ne donnerons ni sommeil à nos yeux, ni assoupissement à nos paupières, jusqu’à ce que nous les ayons ramenés, dans toute la mesure de nos forces, sous la tente du Seigneur.

27. Quant aux nouveaux précurseurs de l’apostasie, ces serviteurs de l’Antichrist, ces crapules dignes de mille morts, ces pestes publiques, ces massacreurs, qui ont lacéré ce peuple tendre et nouvellement affermi dans la piété, en lui portant des coups si nombreux et si profonds, ces imposteurs, ces théomaques, nous avons résolu, au terme d’un vote synodal et divin, leur condamnation ; non que nous prenions maintenant la décision qui les improuve, mais, dégageant des conciles antérieurs et des anciennes règles apostoliques la sentence déjà portée contre eux, nous la mettons en lumière et la rendons publique.

28. Il est plus naturel à l’homme, en effet, de  s’assagir à la vue des châtiments présents que de se contenir au souvenir des anciens : et quand ceux d’aujourd’hui concordent avec eux, ceux d’hier s’en trouvent corroborés. Pour autant donc que ces gens persistent dans leur erreur protéiforme, nous avons prononcé leur exclusion de tout le troupeau des chrétiens. Nous avons, en effet, le soixante sixième canon des saints apôtres qui fustige en ces termes ceux qui observent le jeûne du Samedi :

29. ''S’il se trouvait un membre du clergé qui jeûne durant les Dimanches ou les Samedis, à l’exception d’un seul Samedi (Grand Samedi Saint), qu’il soit déposé ; si c’est un laïc, qu’il soit excommunié". Dans le même sens, le canon cinquante-cinq du Sixième Concile Saint et Œcuménique s’exprime à peu près ainsi :

30. ''Parce que nous sommes instruits de ce que les habitants de Rome, lors des saints jeûnes de la quarantaine, jeûnent les Samedis, contrairement à la discipline reçue de tradition dans l’Eglise, il a paru bon au saint concile que reste inébranlablement en vigueur, dans l’Eglise de Rome aussi, le canon qui dit : S’il se trouve un membre du clergé qui jeûne le saint Dimanche ou le Samedi, à l’exception d’un et d’un seul, qu’il soit déposé ; si c’est un laïc qu’il soit excommunié."

31. Par ailleurs, le Concile de Gangra, dans son quatrième canon, relatif à ceux qui abhorrent le mariage, déclare ceci : ''Si quelqu’un se sépare d’un prêtre marié, dans la pensée qu’il ne faut pas communier quand ce prêtre célèbre la liturgie, qu’il soit anathème". En plein accord avec cette sentence, le Sixième Concile rend cet arrêt contre eux : ''Parce que nous avons appris que dans l’Eglise de Rome était reçue, avec rang de canon, la tradition de faire promettre publiquement à ceux qui vont être éligibles au diaconat ou à la prêtrise, de rompre tout rapport avec leur épouse, nous, fidèles en tous points à l’ancien canon, c’est-à-dire à la justesse de vue rigoureuse des Apôtres et à l’ordre institué par eux, nous voulons que les mariages légitimes des hommes consacrés soient désormais fermement maintenus ;
Il n’est pas question, en aucune manière, de dissoudre, dans un tel cas, la vie commune des époux, ni de leur interdire d’avoir des rapports sexuels au temps convenable. Si donc il se trouve un homme digne d’être élu diacre ou sous-diacre, qu’il ne soit pas empêché, en aucune manière, d’accéder à ce rang, s’il vit avec son épouse légitime ; et que ne soit point exigé de lui, au moment du vote à main levée, la promesse publique de renoncer au commerce légitime avec son épouse. Ainsi, nous évitons de bafouer le mariage institué par Dieu et béni par sa présence, cependant que la voix de l’Evangile s’écrie : ''Ceux que Dieu a conjoints, que l’homme ne les sépare point'' et que l’Apôtre enseigne : ''Chose honorable que le mariage, à tous égards, et la couche est immaculée'' et : ''Tu es lié à une femme, ne cherche pas à rompre". Par conséquent, si quelqu’un ose, contre les canons apostoliques, priver un homme consacré, c’est à dire un prêtre, un diacre ou un sous-diacre, du commerce et de la société de sa femme légitime, qu’il soit déposé ; semblablement, si un prêtre ou un diacre, sous prétexte de piété, renvoie sa femme, qu’il soit excommunié ; s’il persiste, qu’il soit déposé.

32. Quant au fait de rompre le jeûne de la première semaine du carême et de rechrismer ceux qui sont déjà baptisés et chrismés, il ne sera pas besoin, je pense, de canons pour les condamner, puisque, de lui-même et rien qu’à l’énoncer, il outrepasse, en fait d’impiété tous les excès.

33. Davantage, enfin, le blasphème contre l’Esprit, ou plutôt contre la Sainte Trinité tout entière : ce blasphème insurpassable, quand même il n’y aurait aucune autre des audaces que j’ai rapportées, suffit, à lui seul, pour les rendre passibles de plusieurs millions d’anathèmes.

34. Tous ces faits, donc, nous avons jugé légitime, conformément à la coutume ancienne de l’Eglise, d’en rapporter la science et connaissance à votre fraternité dans le Seigneur ; et nous vous exhortons et prions instamment de venir, pleins d’ardeur, nous prêter main forte pour détruire ces principes impies et athées, sans toutefois quitter le poste de vos pères, dont vos prédécesseurs vous ont, par leurs actes, confié la garde ; mais empressez-vous, avec zèle et ardeur, de choisir, à votre place, des suppléants que vous enverrez, des hommes capables de vous représenter, revêtus du sacerdoce et parés de piété, tant dans leurs paroles que dans leur vie. En sorte que nous ôterons du milieu de l’Eglise la gangrène insinuante de cette impiété qui vient de se déclarer. Quant aux fous furieux qui ont importé en si grande quantité, dans le peuple nouvellement fixé et nouvellement affermi, la semence de malice, nous les arracherons avec les racines et les livrerons au feu, d’un commun accord : voilà le lot des maudits, comme l’ordonnent les oracles du Seigneur.

35. Ce devoir accompli, l’impiété refoulée et la piété renforcée, nous avons bonne espérance de voir toute la population bulgare, nouvellement catéchisée en Christ et nouvellement illuminée, faire retour, avec d’autres, à la foi qui leur a été transmise. Car cette nation n’est pas la seule à avoir échangé son impiété de naguère pour la foi en Christ. Il est un peuple dont on entendait parler toujours et partout, un peuple qui, pour le carnage et la cruauté, l’emportait sur tout autre : il s’agit des Russes, qui avaient asservi leurs voisins et, gonflés d’orgueil par cet exploit, contre l’empire même de Rome osé brandir le poing.
Eh bien ! Voici qu’ils viennent, eux aussi, d’adopter la religion chrétienne pure et authentique, en échange de la croyance païenne et athée dont ils étaient auparavant captifs, et au lieu d’escarmoucher contre nous à coup de razzias ,ou d’entreprendre -comme cela est arrivé - une audace de grande envergure, ils se sont constitués alliés et sujets de leur plein gré. Et leur amour et leur zéle pour la foi les ont si forts enflammés - Paul de s’écrier à nouveau : "Dieu est béni dans les .siècles" - qu’ils ont même reçu un évêque, leur pasteur, et embrassé les rites des chrétiens avec beaucoup de soin et de dévotion.

36. Ces peuples, donc, par la grâce du Dieu ami de l’homme, qui veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la Vérité, ont abandonné leurs anciennes croyances et adopté, en retour, la foi chrétienne dans toute sa pureté ; en sorte que, si votre fraternité se dresse, elle aussi, pour nous seconder dans nos fervents efforts et travailler avec nous à couper et brûler les pousses gourmandes, nous affirmons de confiance, dans le Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu véridique, que son troupeau s’accroîtra bien davantage encore et que s’accomplira la parole qui dit : ''Ils me connaîtront tous, du plus petit jusqu’au plus grand d’entre eux'' et  ''Leur voix - celle des enseignements apostoliques - a été entendue sur toute la terre et leurs paroles, jusqu’aux confins de l’univers".

37. II convient donc que les suppléants que vous déléguerez à votre place pour représenter votre sacro-sainte personne, se voient remettre l’autorité absolue dont vous avez héritée dans l’Esprit Saint ; en sorte qu’à propos des points dont j’ai fait mention, ainsi que des questions voisines, ils aient la faculté de parler et la Iicence d’agir en vertu de l’autorité absolue d’un trône apostolique. Car, sachez-le, nous avons également reçu, des provinces d’Italie, la lettre d’un concile, lourde d’accusations que je n’ose répéter : les Italiens les lancent contre leur propre évêque, et les envoient de par le monde, avec de grandes menaces et mille adjurations : ils nous enjoignent de ne pas mépriser leur agonie, quand ils meurent si pitoyablement, opprimés d’une tyrannie si pesante, de ne pas mépriser non plus la violation des lois du sacerdoce, et le renversement de tous les statuts de l’Eglise. Ces faits, anciennement déjà, avaient été partout colportés de bouche à oreille par des moines et des prêtres accourus de ces régions, à savoir : Basile, Zozime, Métrophane, et d’autres avec eux, qui se plaignaient de pareille tyrannie et en appelaient avec des larmes à la justice des Eglises. Mais maintenant, comme je viens de le dire, des lettres, diverses et de divers endroits, nous sont parvenues, lourdes de toute une tragédie et remplies de chants funèbres. Vous en trouverez copie, selon le vœu et la prière instante de leurs auteurs - car ils nous ont supplié de les transmettre à tous les sièges épiscopaux et apostoliques, et ce, avec des adjurations et imprécations effroyables - et vous pourrez en prendre ainsi connaissance. Nous les avons incluses à notre lettre pour que le saint concile œcuménique réuni dans le Seigneur confirme, d’un commun suffrage, sur ces questions aussi, les décisions de Dieu et des canons conciliaires, et qu’une paix profonde s’instaure ainsi parmi les Eglises du Christ.

38. Car ce n’est pas seulement votre béatitude que nous avons convoquée ; mais sachez que, parmi les autres sièges épiscopaux et apostoliques, les uns sont déjà présents, les autres sont attendus d’un moment à l’autre.

39. Que votre fraternité dans le Seigneur se garde donc, en tardant et en temporisant pour une raison quelconque, de faire attendre ses frères plus qu’il ne convient : elle sait que si, du fait de son absence, quelque chose de fâcheux venait à se produire, c’est sur elle qu’elle attirerait la condamnation.

40. Il est encore un voeu que nous tenons à consigner dans cette lettre, concernant le Saint Concile Œcuménique, septième du nom. Il faudrait transmettre à toute l’immense portion de l’Eglise qui dépend de vous, la recommandation de le mettre au rang des six premiers Saints Conciles Œcuméniques et de l’ajouter à leur nombre ; car, selon une rumeur venue jusqu’à nous, certaines Eglises dépendant de votre siège apostolique, ne reconnaîtraient que six conciles œcuméniques : elles ignorent le septième. A la vérité, il n’est rien qu’elles observent avec plus de zèle, ni qu’elles entourent de plus de vénération, que les décrets souverains de cette dernière assemblée, mais sans reconnaître le concile comme tel ni le proclamer officiellement dans l’Eglise à l’instar des six autres, quoiqu’il jouisse partout d’une dignité égale à la leur.

41. Et de fait, ce concile a terrassé une impiété majeure et on y a vu siéger et voter ensemble des hommes venus des quatre sièges épiscopaux. Etaient présents, en effet, comme vous le savez, l’envoyé de votre siège apostolique d’Alexandrie, Thomas le hiéromoine et son entourage, l’envoyé de Jérusalem, Pierre, le très pieux protopresbytre, et un autre Pierre, moine et higoumène du très saint monastère de saint Sabba de Rome.

42. Tous ces personnages se sont assemblés et réunis à notre oncle paternel, le très saint et trois fois glorieux Taraise, archevêque de Constantinople, pour former ce Septième grand Concile Œcuménique, qui a terrassé l’impiété des iconomaques - ou christomaques - et remporté sur elle le triomphe. Mais il se peut, vu les territoires alors tombés aux mains des Arabes, peuple étranger et barbare, qu’il n’ait pas été des plus faciles de vous faire parvenir les actes de ce concile. Voilà pourquoi beaucoup de fidèles de ces régions, s’ils en respectent les dispositions et les entourent de vénération, ignorent néanmoins, paraît-il, qu’elles sont l’œuvre de ce concile.

43. Ce concile, donc, comme je disais en commençant, demande à être joint aux six précédents et proclamé, comme eux, Grand, Saint et Œcuménique. Manquer à cette tâche et négliger d’agir ainsi, c’est d’abord porter atteinte à l’Eglise du Christ, en traitant de mépris un concile si important et c’est rompre les liens et les nœuds qu’il représente. En second lieu, notre négligence rouvrirait toute grande la bouche des iconomaques, dont vous détestez, je le sais l’impiété, à l’égal des autres hérésies : le fait que leur impiété ait subi la condamnation d’un seul siège apostolique, non le rejet catégorique d’un concile œcuménique, leur fournira un prétexte pour formuler leurs monstruosités.

44. Pour toutes ces raisons, nous estimons qu’il faut, dans les lettres conciliaires comme dans tous les autres documents, histoires et discussions relatifs à l’Eglise, tenir compte de ce concile et l’ajouter au titre de Septième sur la liste des Six Saints Conciles Œcuméniques : c’est de notre part une demande et c’est aussi, de frères à frères, un conseil que nous vous donnons, en proposant ce qui est juste.

45- Que le Christ, notre Dieu véridique, le premier et souverain grand prêtre, qui volontairement pour nous, dans un beau sacrifice, s’est offert Lui-même en victime bonne et favorable, et a offert Son propre sang en rançon pour nous racheter, vous accorde de dresser votre chef vénérable de grand prêtre au-dessus des peuples barbares postés en cercle autour de vous ; qu’Il vous accorde d’achever le cours de votre vie dans le calme et la sérénité ; qu’Il vous fasse obtenir votre part du domaine d’en haut, avec l’allégresse et la joie indicibles, au lieu où tous les bienheureux ont le séjour, exempt de toute douleur, de tout soupir et de toute confusion, dans le Christ Lui-même, notre Dieu véridique : à Lui, la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles. Amen.

Nous prions, comme il se doit, pour votre paternelle sainteté et formons le souhait que vous veuillez bien continuer, vous aussi, de commémorer notre indignité.

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