lundi 10 janvier 2011
lumière du Thabor n°13. Homélie de Saint Grégoire Palamas.
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HOMELIE DU DEUXIEME DIMANCHE
DU GRAND CAREME
Sur la guérison du Paralytique de Capharnaüm
Ce sont les paroles mêmes de notre Maître, ou plutôt le fondement de la prédication évangélique que je commenterai aujourd’hui, en adressant mon homélie à votre charité. (1) "Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche" (Matthieu 3,2). Ce royaume s’est en effet approché, il se trouve même parmi nous. Le Seigneur a dit encore : "Le Royaume de Dieu est au milieu de vous" (Luc 16, 21). Ainsi donc, le Royaume se trouve, non seulement au milieu de nous, mais il vient en nous, et de la manière la plus manifeste. Il a détruit tout principe, tout pouvoir, toute force (adverse) chez ceux qui vivent selon les commandements divins, ou qui ont vécu la vie présente d’une manière agréable à Dieu.
Puis donc que le Royaume de Dieu est venu, qu’il se trouve parmi nous, au milieu de nous (dans le cœur), rendons-nous dignes de lui par les œuvres de la pénitence. Faisons-nous violence, cessons nos mauvaises actions et nos habitudes perverses. Le Royaume de Dieu se force et ce sont les violents qui s’en emparent et le gardent (Mattieu 11,12). Efforçons-nous d’imiter la patience de nos Pères Théophores, leur humilité, leur foi, et ceux dont l’Ecriture dit : "Considérez quelle a été leur vie et imitez leur foi" (Hébreux b.13, 7).
Mortifions donc les membres terrestres, l’impudicité, l’impureté, les mauvais désirs, la cupidité, surtout au cours des saints jours du jeûne de la Quarantaine Sacrée. C’est pour cela d’ailleurs que la grâce du Saint Esprit, au cours des Dimanches précédents nous a entretenus d’abord du second et redoutable Avènement du Seigneur, ensuite elle nous a rappelé l’Expulsion d’Adam du Paradis, enfin, Dimanche dernier, celui de l’Orthodoxie, elle nous a exposé la foi juste, afin que par la crainte du Jugement Dernier, nos lamentations sur le Paradis perdu, par notre attachement à la foi et à la garde de nous-mêmes, nous évitions l’intempérance qui ouvre la porte aux passions du ventre, leur livre la place et nous conduit à la perdition par la voie large et spacieuse des plaisirs. Mais, si nous aimons la voie étroite et douloureuse qui mène à la vie éternelle (Matt .6, 13-14) dont le jeûne est le commencement et la première étape, nous traverserons avec assurance et persévérance, l’espace des quarante jours du Carême présent.
Si selon Salomon, il y a un temps pour chaque chose, un temps propice a tout, celui de ces quarante jours est par excellence favorable à qui veut s’exercer à la vertu. Si la vie entière de l’homme est nécessaire pour atteindre le salut, le temps présent du Carême l’est davantage. Christ, le Chef et le Dispensateur de notre salut, nous en a donné l’exemple en descendant dans l’arène où il a vaincu et couvert de honte le Diable, l’auteur de tous nos maux, qui l’a tenté de diverses manières.
La soumission au ventre ruine toutes les vertus et nous assujettit aux diverses passions, mais la tempérance nous purifie des souillures du dérèglement et nous délivre des passions.
Quand l’intempérance a engendré en nous les passions que nous n’avions pas, une fois établie en nous, elle les développe et les fortifie, tout comme le jeûne les affaiblira et les exterminera. Le jeûne et la tempérance sont liés l’un à l’autre, bien que le premier, en beaucoup de cas, soit plus fructueux que la seconde, pour ceux qui le pratiquent avec sagesse. Ne séparons donc pas l’un de I’autre. Observons davantage le jeûne pendant cinq jours de la semaine, et portons, le Samedi et le Dimanche, notre effort sur la tempérance et moins sur le jeûne. Ainsi, nous écouterons avec attention les paroles évangéliques, qui aujourd’hui vont nous raconter la guérison miraculeuse du paralytique, opérée non à Jérusalem, mais à Capharnaüm.
"En ce temps-là, dit Marc l’Historien sacré, Jésus vint ä Capharnaüm pour quelques jours" (Mc 2,1). Matthieu dit que Capharnaüm était la ville même du Seigneur. Quand il raconte tout ce qui est arrivé au paralytique, il dit : "Jésus vint dans sa ville" (Matthieu 9, 1). En effet, après son Baptême dans le Jourdain par Jean, et la descente sur Lui du Saint Esprit, Jésus fut conduit par le Saint Esprit au désert, pour y être tenté. Apres y avoir vaincu le Tentateur, il revint sur les rives du Jourdain, visitant et enseignant les villes. A plusieurs reprises, le Baptiste témoigna que Jésus était le Messie attendu, jusqu’au jour où il fut mis en prison par Hérode. C’est alors, comme le raconte Matthieu, que Jésus "se retira en Galilée, quittant la ville de Nazareth pour demeurer à Capharnaüm, sur les bordes de la mer" (Matthieu 4,12).
Le Seigneur quittait donc Capharnaüm, allait au désert, pour y prier, visitait les villes voisines et y prêchait l’Evangile, puis revenait à Capharnaüm. Voilà pourquoi l’Evangéliste Matthieu dit que Capharnaüm était sa ville, et Marc qu’Il y revint quelques jours après. "Lorsqu’on apprit qu’Il était dans la maison, il s’y rassembla aussitôt un si grand nombre de personnes, qu’elles ne pouvaient trouver place, même aux abords de la porte ; et il leur prêchait la parole" (Marc 2,1-2). Comme Il demeurait souvent dans cette ville, il devint célèbre à cause de ses grands et nombreux miracles ainsi que par ses prédications. Voilà pourquoi il était plus que désirable. Dès que l’on sut qu’il se trouvait ä nouveau ä Capharnaüm, toute la ville se rassembla à l’intérieur et autour de la maison. Luc dit que parmi ceux qui l’entouraient il y avait des Pharisiens, des Docteurs de la Loi et qu’il leur prêchait la parole. En effet, la prédication était son unique objet comme le révèle la parabole : "Le semeur sortit pour semer sa semence" (Luc 8, 5), c’est ä dire la parole de sa doctrine. Je suis venu, disait-il, appeler les pécheurs à la pénitence (Matt.9, 13). L’appel ä la pénitence se faisait par la parole de son enseignement. Confirmant cela, Paul dit : "La foi vient de la prédication entendue et la prédication se fait par la parole de Dieu" (Rom.10, 17).
Le Seigneur donc, prêchait à tous en commun, sans acception de personne, la parole de la pénitence, l’Evangile du salut, les paroles de la vie éternelle. Tous l’écoutaient, mais tous ne recevaient pas ses paroles. Bien qu’il nous soit à tous, agréable de voir et d’entendre, tous nous n’aimons pas pour cela et au même degré la vertu. Dans notre désir de savoir le plus possible, aimons surtout à apprendre comment atteindre notre salut. Nombreux sont ceux qui suivent avec joie la prédication de la parole divine, analysent chaque mot, selon leur instruction ou leur intelligence, pour savoir si ce qu’ils entendent est juste ou erroné.
Quant à transformer les paroles en actes ou en fruits utiles à la foi, il faut un jugement sain et une disposition bonne, que l’on ne rencontre pas si facilement, surtout chez ceux qui arrivent toujours à se justifier, et s’imaginent tout connaitre. Tels étaient, chez les Juifs, les Scribes et les Pharisiens. Ils regardaient le Seigneur, écoutaient sa parole, et malgré ses miracles, ils insultaient au lieu de louer, Celui qui par ses paroles et ses œuvres, les comblait de ses bienfaits.
Quand le Seigneur enseignait, tous, ou à tout le moins un grand nombre en tout cas, l’écoutaient, l’oreille attentive et accueillaient les paroles de la grâce qui sortaient de sa bouche. "Alors on lui amena un paralytique, porté par quatre hommes, dit l’Evangéliste sacré. Et comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit à l’endroit où il se trouvait, et par l’ouverture, ils descendirent le lit ou gisait le paralytique" (Mc. 2,3-5).
On peut se demander si ce miracle ne fut pas le résultat de la foi de ceux qui avaient amené le paralytique à Jésus qui, réjoui de leur foi, guérit le malade. Moi je crois qu’il n’en est pas ainsi. Le Seigneur n’a pas exigé de la foi du fils du chef de la Synagogue qu’il avait guéri, pas plus que de la fille de la Cananéenne ou de celle de Jaïre. II s’était contenté de la foi de ceux qui étaient venus intercéder en leur faveur. La fille de Jaïre était déjà morte, la fille de la Cananéenne était folle, et le fils du chef de la Synagogue n’était même pas présent. Mais le paralytique était là, il était en pleine possession de ses facultés, bien que paralysé de corps. C’est pourquoi je pense que c’est plutôt grâce à la confiance et à la foi du paralytique, que ceux qui le transportaient crurent au Seigneur, vinrent a Lui avec audace et obéirent au paralytique, en le soulevant, en le faisant monter sur le toit et en le descendant devant le Seigneur. Ils n’auraient pas fait cela contre leur gré. Le poids du paralytique n’a pas paralysé leur pensée, au contraire, il a eu raison des obstacles qui encombraient leur foi.
L’amour de la gloire qui vient des hommes éloignait du Seigneur, les Pharisiens. C’est pourquoi il leur disait : "Comment pouvez-vous croire en moi, quand vous tirez votre gloire des hommes et ne cherchez pas la louange qui vient de Dieu ?" (Jean 5, 44). D’autres encore, les champs, les mariages, les soucis de ce monde les empêchaient d’aller vers le Seigneur. Mais tout cela était aussi étranger qu’éloigné de la pensée du paralytique à cause de sa paralysie. Voyez-vous pourquoi, chez beaucoup de pécheurs, la maladie est préférable à la santé ? Elle est souvent la cause de leur salut, elle affaiblit les tendances naturelles au mal, et par les souffrances corporelles, elle paie les dettes du péché. Elle rend ainsi le malade capable de recevoir d’abord la guérison de l’âme, puis celle du corps ; Et quand le malade sait que la guérison vient de Dieu. II prend alors patience et supporte avec courage son mal. II s’incline avec foi devant Dieu, et par ses œuvres, demande la rémission de ses fautes. C’est tout cela que le paralytique a montré par ses œuvres autant que ses forces le lui ont permis. Et le Seigneur a répondu par ses paroles et ses œuvres. Les Pharisiens qui ne pouvaient soupçonner ces choses, blasphémaient et murmuraient contre le Seigneur. Quand Jésus vit leur foi, dit le Saint Evangile, c’est ä dire celle du paralytique que l’on descendait, étendu sur son lit par le toit, et celle de ceux qui le portaient, il dit au paralytique : "Mon fils, tes péchés te sont remis" (Marc 11, 5).
Quelle parole merveilleuse le paralytique a entendue ! Dieu l’appelle "fils", il le fait fils du Père Céleste, il l’unit au Dieu immaculé, le rendant immaculé par le pardon de ses fautes. Avant de recevoir un corps renouvelé, le paralytique reçoit une âme libre de tout péché, de la part de Celui qui sait que lorsque l’âme est tombée dans les filets du péché, la maladie et la mort suivent le juste jugement divin.
"Or, il y avait là quelques scribes assis, qui pensaient dans leurs cœurs : comment cet homme parle-t-il ainsi ? II blasphème. Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ?" (Luc 11, 6-7). "Jésus ayant aussitôt connu par son esprit qu’ils pensaient ainsi en eux-mêmes, leur dit : Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos cœurs ? Lequel est le plus facile de dire au paralytique : Tes péchés te sont remis ou de lui dire : Lève-toi, prends ton lit et marche ? (Luc 11, 8-9).
Les scribes pensaient que le Seigneur n’avait pas le pouvoir de guérir le paralytique et c’est pourquoi il avait recours ä ce qui ne tombait pas sous les sens : la rémission des péchés, exprimée en paroles. Bien qu’elle fût ordonnée d’une manière souveraine, elle leur a paru comme un blasphème, car n’Importe qui pouvait agir ainsi.
C’est pour cela que le Seigneur ajoute : "Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés -je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison. " (Luc 11, 10-11).
Autrement dit, si j’avais voulu simplement prononcer des paroles nouvelles, inouïes jusqu’ici, dont la vérité ne serait pas démontrée par des faits réels, il m’eût été facile d’opérer chacune de ces œuvres séparément, c’est-à-dire le relèvement du paralytique, puis le pardon de ses fautes. Mais j’ai agi ainsi pour que vous sachiez que ma parole n’est pas inopérante, et que je n’ai pas eu recours à la seule rémission des péchés, faute de pouvoir accorder la guérison corporelle. Apprenez donc, que j’ai sur la terre un pouvoir divin, étant Fils Consubstantiel au Père Céleste, bien que devenu consubstantiel à vous, hommes ingrats.
Voilà pourquoi il dit au paralytique : "Je te l’ordonne, lève-toi, prends ton lit sur tes épaules et va dans ta maison".
Ces paroles et ce miracle du Seigneur sont contraires aux pensées des Scribes et en même temps en accord ; elles prouvent que ce qu’ils disaient était vrai, à savoir que nul homme n’a le pouvoir de remettre les péchés. Mais ce qui, chez les Pharisiens était faux et insensé, c’était l’opinion selon laquelle Christ n’était qu’un homme ordinaire et non le Dieu Tout-Puissant. Ce que personne n’avait vu, ce que nul n’avait entendu jusqu’ici, arrivait maintenant, le Dieu-Homme se présentait dans ses deux natures et ses deux opérations, parlant comme nous, en tant qu’homme, et accomplissant tout ce qu’il voulait par sa parole et son ordre comme Dieu. II démontrait ainsi, par ses œuvres, que c’était Lui qui au commencement avait tout crée, comme le dit le psalmiste : "II dit et ils furent faits, II commanda et ils furent crées" (Ps. 32, 9).
Ici, sa parole est immédiatement suivie de l’acte. Le paralytique se lève aussitôt : "II se leva et aussitôt, ayant pris son lit, II sortit en présence de tout le monde ; de sorte qu’ils étaient tous dans l’étonnement, et ils glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil" (Luc 11, 12).
Le pardon des fautes, même quand il vient des hommes contre lesquels nous avons péché, se fait par la parole. La délivrance de la maladie et du péché se fait également par la seule parole, mais alors c’est l’œuvre de Dieu seul. C’est cela que l’Evangéliste souligne en disant que ceux qui avaient vu, furent remplis d’admiration et glorifièrent Dieu, l’auteur de cet extraordinaire miracle, Celui qui en tout temps, accomplit des œuvres glorieuses et merveilleuses, qu’on ne peut énumérer : "Nous n’avons jamais rien vu de pareil dans notre vie".
Ceux qui en paroles rendaient gloire au Seigneur et confessaient que ce miracle était plus grand que tous les précédents, disaient : "Nous n’avons jamais vu chose pareille ! " Et nous, aujourd’hui, nous ne pouvons plus parler comme eux, car nous avons vu de plus grands et de plus nombreux mystères, accomplis par le Christ, ou par ses disciples et les saints Peres, sur la simple invocation du Nom du nom du Seigneur.
Rendons-Lui gloire maintenant par nos œuvres et appliquons ä nous-mêmes ce miracle. Celui qui se livre aux voluptés est paralysé en son âme ; couché sur le lit des plaisirs, il pense que tel est le bonheur de la chair. Mais s’il entend l’appel évangélique, si par la confession des péchés, il triomphe de la paralysie de l’âme qui en était la conséquence, il est alors amené au Christ et, comme le paralytique, il est porté par quatre hommes qui sont : le jugement qu’il porte sur lui-même, la confession de tous ses péchés, la promesse de s’éloigner désormais de tout mal, enfin, la prière qu’il adresse au Dieu très bon. Mais il faut aussi ôter le toit, jeter au loin les tuiles, la terre et les autres matériaux.
Le toit, c’est la partie raisonnable de notre âme, le sommet, de tout ce qui est en nous. Mais comme une matière opaque le recouvre, il est en liaison avec les diverses passions terrestres. Quand cette matière est détruite par les "quatre hommes", nous pouvons alors être réellement amenés au Seigneur, nous approcher de Lui dans l’humilité et, prosternés, lui demander et recevoir la guérison.
Quand s’accomplissent ces œuvres de la pénitence ? Quand Jésus vient dans sa propre ville, c’est-à-dire en ce monde, comme homme, en ce monde qui est qui est sien, créé par Lui, comme l’enseigne Jean l’Evangéliste : "II est venu parmi les siens, mais les siens -les Juifs- ne l’ont pas reçu. A ceux qui l’ont reçu comme Sauveur, il a donné le pouvoir et la grâce de devenir enfants de Dieu, à tous ceux qui croient en son Nom" (Jn 1,11-12).
Quand l’intellect paralysé se prosterne ainsi avec foi, il s’entend aussitôt appeler « fils » par le Seigneur et reçoit de Lui le pardon et la guérison, puis la force de porter sur ses épaules le lit sur lequel il gisait. Par lit, il faut entendre le corps matériel auquel l’intellect est lié et avec lequel il accomplit les œuvres du péché, quand il se soumet aux désirs de la chair. Une fois guéri, l’intellect conduit alors le corps et le domine après l’avoir soumis. Par lui, il montre les fruits et les œuvres de la pénitence afin que ceux qui les voient glorifient Dieu comme ce fut le cas du collecteur d’impôts devenu Evangéliste, du persécuteur devenu apôtre, du larron devenu théologien, de celui qui vivait avec les pourceaux devenu fils du Père Céleste.
On peut même voir l’intellect accomplir des montées dans le cœur et aller de gloire en gloire, progresser chaque jour vers ce qu’il a de meilleur.
Et ce n’est pas pour rien que le Seigneur dit ä ses disciples : "Que votre lumière luise devant les hommes, afin que voyant vos bonnes œuvres, ils rendent gloire ä votre Père qui est dans les cieux" (Matt. 5,16). En leur parlant ainsi, le Seigneur leur recommande de ne pas parader, mais de vivre d’une manière agréable à Dieu. La lumière s’offre aux regards des hommes sans chercher à leur plaire ; pareillement, la vie agréable ä Dieu s’offre aux regards des yeux de l’esprit Nous ne chantons pas des hymnes ä l’air qui diffuse l’éclat de la lumière, mais au soleil qui la dispense. Et si nous célébrions l’air, combien plus nous faudrait-il célébrer le soleil ! II en est de même pour celui qui par les œuvres de la vertu, manifeste la clarté du soleil de Justice. Il élève l’esprit de ceux qui le regardent, vers La gloire du Père Céleste, du Christ le vrai Soleil de Justice.
Et pour ne pas parler maintenant des vertus les plus grandes, je vous dirai cependant que, quand je suis avec vous dans l’église et que je vois ceux qui font monter vers Dieu les hymnes et les prières avec sagesse et piété, ou encore celui qui se tient en silence, attentif au déroulement de la divine liturgie, ce spectacle me remplit d’enthousiasme et, dans la joie spirituelle, je glorifie le Christ notre Père Céleste, sans qui nul ne peut faire le bien et avec qui tout est possible aux hommes.
Que dire ce ceux qui bavardent à l’église, qui ne prennent pas part à la psalmodie, qui discutent entre eux, qui mêlent au culte de Dieu les affaires de ce monde, qui n’écoutent rien et empêchent les autres d’entendre ? Jusques à quand clocherez-vous des deux pied, comme dit le prophète Elie (1 Rois 18, 21), en voulant vous occuper à la fois, de la prière et des affaires terrestres et temporelles ? Vous ne faites que détruire les unes et les autres tout en portant préjudice à autrui. Quand abandonnerez-vous les conversations oiseuses, qui font du temple de Dieu une maison de marchands, un lieu où les passions dominent ?
Ici, c’est le lieu où retentissent les paroles de la vie éternelle, où sont adressées ä Dieu, avec une ferme espérance, des prières pour notre salut, où se font entendre en retour, les paroles de Dieu qui donne la vie éternelle à ceux qui la lui demandent de toute leur âme, de tout leur esprit et non ä ceux qui ne remuent même pas le bout de leur langue pour la lui demander.
De nos jours, le sacrifice ne s’offre plus par le feu comme au temps de Moyse, mais par la parole. Jadis, Dieu recevait le sacrifice qui montait au ciel par le feu et ceux qui offraient un feu étranger, comme les partisans de Coré, qui s’élevèrent contre Moyse, étaient immédiatement consumés par le feu sacré qui tombait sur eux (Nombres 16,1-35).
Gardons-nous d’offrir sur l’autel spirituel de Dieu, je veux dire l’Eglise, des paroles qui tiennent du dehors et sans rapport avec elle, pour n’être pas condamnés, à la fin, par les divines paroles dont elle est la porteuse, et mériter d’entendre la voix menaçante de Dieu prononçant notre condamnation.
Oui, je vous en supplie, soyons dans la crainte et, tant que nous nous trouverons en cette vie, en présence de Dieu, tenons-nous bien et offrons-Lui nos prières. Quand l’heure sera venue, ne quittons pas ce monde, sans avoir donné le signe d’un changement de vie vers le meilleur, libres de la passion du lucre injuste, ayant fui les serments, surtout les faux serments, les paroles honteuses, les actes blâmables, la médisance, l’envie, la jalousie, ayant guidé tous nos sens par l’esprit de sagesse. Ne quittons pas ce monde sans avoir porté dans la crainte de Dieu et selon la parole divine, notre corps matériel, non dominés par lui ni entraînés par ses désirs bas et illicites, ayant eu en vue tout ce que Paul dit à ce sujet, sachant que si nous avons vécu comme des hommes charnels, nous mourrons de la mort éternelle, et que si par l’esprit, nous avons brisé les désirs et les élans du corps, nous vivrons pour l’éternité (Rom. 8,13).
Des maintenant, exhortons tous ceux qui nous regardent, à glorifier Dieu, conscients que cette maison porte en elle le Christ qui presse ceux dont l’âme est paralysée, et leur recommande de diriger sur Lui leurs sens ainsi que leurs pensées, avec un esprit qui aime Dieu, afin d’atteindre le ciel, notre demeure réelle, les cieux supra-célestes, là où est le Christ, le Fils héritier et notre testateur.
A Lui gloire, puissance, honneur et adoration, à son Père Eternel et à son Saint, Bon et Vivifiant Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen !
HOMELIE DU DEUXIEME DIMANCHE
DU GRAND CAREME
Sur la guérison du Paralytique de Capharnaüm
Ce sont les paroles mêmes de notre Maître, ou plutôt le fondement de la prédication évangélique que je commenterai aujourd’hui, en adressant mon homélie à votre charité. (1) "Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche" (Matthieu 3,2). Ce royaume s’est en effet approché, il se trouve même parmi nous. Le Seigneur a dit encore : "Le Royaume de Dieu est au milieu de vous" (Luc 16, 21). Ainsi donc, le Royaume se trouve, non seulement au milieu de nous, mais il vient en nous, et de la manière la plus manifeste. Il a détruit tout principe, tout pouvoir, toute force (adverse) chez ceux qui vivent selon les commandements divins, ou qui ont vécu la vie présente d’une manière agréable à Dieu.
Puis donc que le Royaume de Dieu est venu, qu’il se trouve parmi nous, au milieu de nous (dans le cœur), rendons-nous dignes de lui par les œuvres de la pénitence. Faisons-nous violence, cessons nos mauvaises actions et nos habitudes perverses. Le Royaume de Dieu se force et ce sont les violents qui s’en emparent et le gardent (Mattieu 11,12). Efforçons-nous d’imiter la patience de nos Pères Théophores, leur humilité, leur foi, et ceux dont l’Ecriture dit : "Considérez quelle a été leur vie et imitez leur foi" (Hébreux b.13, 7).
Mortifions donc les membres terrestres, l’impudicité, l’impureté, les mauvais désirs, la cupidité, surtout au cours des saints jours du jeûne de la Quarantaine Sacrée. C’est pour cela d’ailleurs que la grâce du Saint Esprit, au cours des Dimanches précédents nous a entretenus d’abord du second et redoutable Avènement du Seigneur, ensuite elle nous a rappelé l’Expulsion d’Adam du Paradis, enfin, Dimanche dernier, celui de l’Orthodoxie, elle nous a exposé la foi juste, afin que par la crainte du Jugement Dernier, nos lamentations sur le Paradis perdu, par notre attachement à la foi et à la garde de nous-mêmes, nous évitions l’intempérance qui ouvre la porte aux passions du ventre, leur livre la place et nous conduit à la perdition par la voie large et spacieuse des plaisirs. Mais, si nous aimons la voie étroite et douloureuse qui mène à la vie éternelle (Matt .6, 13-14) dont le jeûne est le commencement et la première étape, nous traverserons avec assurance et persévérance, l’espace des quarante jours du Carême présent.
Si selon Salomon, il y a un temps pour chaque chose, un temps propice a tout, celui de ces quarante jours est par excellence favorable à qui veut s’exercer à la vertu. Si la vie entière de l’homme est nécessaire pour atteindre le salut, le temps présent du Carême l’est davantage. Christ, le Chef et le Dispensateur de notre salut, nous en a donné l’exemple en descendant dans l’arène où il a vaincu et couvert de honte le Diable, l’auteur de tous nos maux, qui l’a tenté de diverses manières.
La soumission au ventre ruine toutes les vertus et nous assujettit aux diverses passions, mais la tempérance nous purifie des souillures du dérèglement et nous délivre des passions.
Quand l’intempérance a engendré en nous les passions que nous n’avions pas, une fois établie en nous, elle les développe et les fortifie, tout comme le jeûne les affaiblira et les exterminera. Le jeûne et la tempérance sont liés l’un à l’autre, bien que le premier, en beaucoup de cas, soit plus fructueux que la seconde, pour ceux qui le pratiquent avec sagesse. Ne séparons donc pas l’un de I’autre. Observons davantage le jeûne pendant cinq jours de la semaine, et portons, le Samedi et le Dimanche, notre effort sur la tempérance et moins sur le jeûne. Ainsi, nous écouterons avec attention les paroles évangéliques, qui aujourd’hui vont nous raconter la guérison miraculeuse du paralytique, opérée non à Jérusalem, mais à Capharnaüm.
"En ce temps-là, dit Marc l’Historien sacré, Jésus vint ä Capharnaüm pour quelques jours" (Mc 2,1). Matthieu dit que Capharnaüm était la ville même du Seigneur. Quand il raconte tout ce qui est arrivé au paralytique, il dit : "Jésus vint dans sa ville" (Matthieu 9, 1). En effet, après son Baptême dans le Jourdain par Jean, et la descente sur Lui du Saint Esprit, Jésus fut conduit par le Saint Esprit au désert, pour y être tenté. Apres y avoir vaincu le Tentateur, il revint sur les rives du Jourdain, visitant et enseignant les villes. A plusieurs reprises, le Baptiste témoigna que Jésus était le Messie attendu, jusqu’au jour où il fut mis en prison par Hérode. C’est alors, comme le raconte Matthieu, que Jésus "se retira en Galilée, quittant la ville de Nazareth pour demeurer à Capharnaüm, sur les bordes de la mer" (Matthieu 4,12).
Le Seigneur quittait donc Capharnaüm, allait au désert, pour y prier, visitait les villes voisines et y prêchait l’Evangile, puis revenait à Capharnaüm. Voilà pourquoi l’Evangéliste Matthieu dit que Capharnaüm était sa ville, et Marc qu’Il y revint quelques jours après. "Lorsqu’on apprit qu’Il était dans la maison, il s’y rassembla aussitôt un si grand nombre de personnes, qu’elles ne pouvaient trouver place, même aux abords de la porte ; et il leur prêchait la parole" (Marc 2,1-2). Comme Il demeurait souvent dans cette ville, il devint célèbre à cause de ses grands et nombreux miracles ainsi que par ses prédications. Voilà pourquoi il était plus que désirable. Dès que l’on sut qu’il se trouvait ä nouveau ä Capharnaüm, toute la ville se rassembla à l’intérieur et autour de la maison. Luc dit que parmi ceux qui l’entouraient il y avait des Pharisiens, des Docteurs de la Loi et qu’il leur prêchait la parole. En effet, la prédication était son unique objet comme le révèle la parabole : "Le semeur sortit pour semer sa semence" (Luc 8, 5), c’est ä dire la parole de sa doctrine. Je suis venu, disait-il, appeler les pécheurs à la pénitence (Matt.9, 13). L’appel ä la pénitence se faisait par la parole de son enseignement. Confirmant cela, Paul dit : "La foi vient de la prédication entendue et la prédication se fait par la parole de Dieu" (Rom.10, 17).
Le Seigneur donc, prêchait à tous en commun, sans acception de personne, la parole de la pénitence, l’Evangile du salut, les paroles de la vie éternelle. Tous l’écoutaient, mais tous ne recevaient pas ses paroles. Bien qu’il nous soit à tous, agréable de voir et d’entendre, tous nous n’aimons pas pour cela et au même degré la vertu. Dans notre désir de savoir le plus possible, aimons surtout à apprendre comment atteindre notre salut. Nombreux sont ceux qui suivent avec joie la prédication de la parole divine, analysent chaque mot, selon leur instruction ou leur intelligence, pour savoir si ce qu’ils entendent est juste ou erroné.
Quant à transformer les paroles en actes ou en fruits utiles à la foi, il faut un jugement sain et une disposition bonne, que l’on ne rencontre pas si facilement, surtout chez ceux qui arrivent toujours à se justifier, et s’imaginent tout connaitre. Tels étaient, chez les Juifs, les Scribes et les Pharisiens. Ils regardaient le Seigneur, écoutaient sa parole, et malgré ses miracles, ils insultaient au lieu de louer, Celui qui par ses paroles et ses œuvres, les comblait de ses bienfaits.
Quand le Seigneur enseignait, tous, ou à tout le moins un grand nombre en tout cas, l’écoutaient, l’oreille attentive et accueillaient les paroles de la grâce qui sortaient de sa bouche. "Alors on lui amena un paralytique, porté par quatre hommes, dit l’Evangéliste sacré. Et comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit à l’endroit où il se trouvait, et par l’ouverture, ils descendirent le lit ou gisait le paralytique" (Mc. 2,3-5).
On peut se demander si ce miracle ne fut pas le résultat de la foi de ceux qui avaient amené le paralytique à Jésus qui, réjoui de leur foi, guérit le malade. Moi je crois qu’il n’en est pas ainsi. Le Seigneur n’a pas exigé de la foi du fils du chef de la Synagogue qu’il avait guéri, pas plus que de la fille de la Cananéenne ou de celle de Jaïre. II s’était contenté de la foi de ceux qui étaient venus intercéder en leur faveur. La fille de Jaïre était déjà morte, la fille de la Cananéenne était folle, et le fils du chef de la Synagogue n’était même pas présent. Mais le paralytique était là, il était en pleine possession de ses facultés, bien que paralysé de corps. C’est pourquoi je pense que c’est plutôt grâce à la confiance et à la foi du paralytique, que ceux qui le transportaient crurent au Seigneur, vinrent a Lui avec audace et obéirent au paralytique, en le soulevant, en le faisant monter sur le toit et en le descendant devant le Seigneur. Ils n’auraient pas fait cela contre leur gré. Le poids du paralytique n’a pas paralysé leur pensée, au contraire, il a eu raison des obstacles qui encombraient leur foi.
L’amour de la gloire qui vient des hommes éloignait du Seigneur, les Pharisiens. C’est pourquoi il leur disait : "Comment pouvez-vous croire en moi, quand vous tirez votre gloire des hommes et ne cherchez pas la louange qui vient de Dieu ?" (Jean 5, 44). D’autres encore, les champs, les mariages, les soucis de ce monde les empêchaient d’aller vers le Seigneur. Mais tout cela était aussi étranger qu’éloigné de la pensée du paralytique à cause de sa paralysie. Voyez-vous pourquoi, chez beaucoup de pécheurs, la maladie est préférable à la santé ? Elle est souvent la cause de leur salut, elle affaiblit les tendances naturelles au mal, et par les souffrances corporelles, elle paie les dettes du péché. Elle rend ainsi le malade capable de recevoir d’abord la guérison de l’âme, puis celle du corps ; Et quand le malade sait que la guérison vient de Dieu. II prend alors patience et supporte avec courage son mal. II s’incline avec foi devant Dieu, et par ses œuvres, demande la rémission de ses fautes. C’est tout cela que le paralytique a montré par ses œuvres autant que ses forces le lui ont permis. Et le Seigneur a répondu par ses paroles et ses œuvres. Les Pharisiens qui ne pouvaient soupçonner ces choses, blasphémaient et murmuraient contre le Seigneur. Quand Jésus vit leur foi, dit le Saint Evangile, c’est ä dire celle du paralytique que l’on descendait, étendu sur son lit par le toit, et celle de ceux qui le portaient, il dit au paralytique : "Mon fils, tes péchés te sont remis" (Marc 11, 5).
Quelle parole merveilleuse le paralytique a entendue ! Dieu l’appelle "fils", il le fait fils du Père Céleste, il l’unit au Dieu immaculé, le rendant immaculé par le pardon de ses fautes. Avant de recevoir un corps renouvelé, le paralytique reçoit une âme libre de tout péché, de la part de Celui qui sait que lorsque l’âme est tombée dans les filets du péché, la maladie et la mort suivent le juste jugement divin.
"Or, il y avait là quelques scribes assis, qui pensaient dans leurs cœurs : comment cet homme parle-t-il ainsi ? II blasphème. Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ?" (Luc 11, 6-7). "Jésus ayant aussitôt connu par son esprit qu’ils pensaient ainsi en eux-mêmes, leur dit : Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos cœurs ? Lequel est le plus facile de dire au paralytique : Tes péchés te sont remis ou de lui dire : Lève-toi, prends ton lit et marche ? (Luc 11, 8-9).
Les scribes pensaient que le Seigneur n’avait pas le pouvoir de guérir le paralytique et c’est pourquoi il avait recours ä ce qui ne tombait pas sous les sens : la rémission des péchés, exprimée en paroles. Bien qu’elle fût ordonnée d’une manière souveraine, elle leur a paru comme un blasphème, car n’Importe qui pouvait agir ainsi.
C’est pour cela que le Seigneur ajoute : "Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés -je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison. " (Luc 11, 10-11).
Autrement dit, si j’avais voulu simplement prononcer des paroles nouvelles, inouïes jusqu’ici, dont la vérité ne serait pas démontrée par des faits réels, il m’eût été facile d’opérer chacune de ces œuvres séparément, c’est-à-dire le relèvement du paralytique, puis le pardon de ses fautes. Mais j’ai agi ainsi pour que vous sachiez que ma parole n’est pas inopérante, et que je n’ai pas eu recours à la seule rémission des péchés, faute de pouvoir accorder la guérison corporelle. Apprenez donc, que j’ai sur la terre un pouvoir divin, étant Fils Consubstantiel au Père Céleste, bien que devenu consubstantiel à vous, hommes ingrats.
Voilà pourquoi il dit au paralytique : "Je te l’ordonne, lève-toi, prends ton lit sur tes épaules et va dans ta maison".
Ces paroles et ce miracle du Seigneur sont contraires aux pensées des Scribes et en même temps en accord ; elles prouvent que ce qu’ils disaient était vrai, à savoir que nul homme n’a le pouvoir de remettre les péchés. Mais ce qui, chez les Pharisiens était faux et insensé, c’était l’opinion selon laquelle Christ n’était qu’un homme ordinaire et non le Dieu Tout-Puissant. Ce que personne n’avait vu, ce que nul n’avait entendu jusqu’ici, arrivait maintenant, le Dieu-Homme se présentait dans ses deux natures et ses deux opérations, parlant comme nous, en tant qu’homme, et accomplissant tout ce qu’il voulait par sa parole et son ordre comme Dieu. II démontrait ainsi, par ses œuvres, que c’était Lui qui au commencement avait tout crée, comme le dit le psalmiste : "II dit et ils furent faits, II commanda et ils furent crées" (Ps. 32, 9).
Ici, sa parole est immédiatement suivie de l’acte. Le paralytique se lève aussitôt : "II se leva et aussitôt, ayant pris son lit, II sortit en présence de tout le monde ; de sorte qu’ils étaient tous dans l’étonnement, et ils glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil" (Luc 11, 12).
Le pardon des fautes, même quand il vient des hommes contre lesquels nous avons péché, se fait par la parole. La délivrance de la maladie et du péché se fait également par la seule parole, mais alors c’est l’œuvre de Dieu seul. C’est cela que l’Evangéliste souligne en disant que ceux qui avaient vu, furent remplis d’admiration et glorifièrent Dieu, l’auteur de cet extraordinaire miracle, Celui qui en tout temps, accomplit des œuvres glorieuses et merveilleuses, qu’on ne peut énumérer : "Nous n’avons jamais rien vu de pareil dans notre vie".
Ceux qui en paroles rendaient gloire au Seigneur et confessaient que ce miracle était plus grand que tous les précédents, disaient : "Nous n’avons jamais vu chose pareille ! " Et nous, aujourd’hui, nous ne pouvons plus parler comme eux, car nous avons vu de plus grands et de plus nombreux mystères, accomplis par le Christ, ou par ses disciples et les saints Peres, sur la simple invocation du Nom du nom du Seigneur.
Rendons-Lui gloire maintenant par nos œuvres et appliquons ä nous-mêmes ce miracle. Celui qui se livre aux voluptés est paralysé en son âme ; couché sur le lit des plaisirs, il pense que tel est le bonheur de la chair. Mais s’il entend l’appel évangélique, si par la confession des péchés, il triomphe de la paralysie de l’âme qui en était la conséquence, il est alors amené au Christ et, comme le paralytique, il est porté par quatre hommes qui sont : le jugement qu’il porte sur lui-même, la confession de tous ses péchés, la promesse de s’éloigner désormais de tout mal, enfin, la prière qu’il adresse au Dieu très bon. Mais il faut aussi ôter le toit, jeter au loin les tuiles, la terre et les autres matériaux.
Le toit, c’est la partie raisonnable de notre âme, le sommet, de tout ce qui est en nous. Mais comme une matière opaque le recouvre, il est en liaison avec les diverses passions terrestres. Quand cette matière est détruite par les "quatre hommes", nous pouvons alors être réellement amenés au Seigneur, nous approcher de Lui dans l’humilité et, prosternés, lui demander et recevoir la guérison.
Quand s’accomplissent ces œuvres de la pénitence ? Quand Jésus vient dans sa propre ville, c’est-à-dire en ce monde, comme homme, en ce monde qui est qui est sien, créé par Lui, comme l’enseigne Jean l’Evangéliste : "II est venu parmi les siens, mais les siens -les Juifs- ne l’ont pas reçu. A ceux qui l’ont reçu comme Sauveur, il a donné le pouvoir et la grâce de devenir enfants de Dieu, à tous ceux qui croient en son Nom" (Jn 1,11-12).
Quand l’intellect paralysé se prosterne ainsi avec foi, il s’entend aussitôt appeler « fils » par le Seigneur et reçoit de Lui le pardon et la guérison, puis la force de porter sur ses épaules le lit sur lequel il gisait. Par lit, il faut entendre le corps matériel auquel l’intellect est lié et avec lequel il accomplit les œuvres du péché, quand il se soumet aux désirs de la chair. Une fois guéri, l’intellect conduit alors le corps et le domine après l’avoir soumis. Par lui, il montre les fruits et les œuvres de la pénitence afin que ceux qui les voient glorifient Dieu comme ce fut le cas du collecteur d’impôts devenu Evangéliste, du persécuteur devenu apôtre, du larron devenu théologien, de celui qui vivait avec les pourceaux devenu fils du Père Céleste.
On peut même voir l’intellect accomplir des montées dans le cœur et aller de gloire en gloire, progresser chaque jour vers ce qu’il a de meilleur.
Et ce n’est pas pour rien que le Seigneur dit ä ses disciples : "Que votre lumière luise devant les hommes, afin que voyant vos bonnes œuvres, ils rendent gloire ä votre Père qui est dans les cieux" (Matt. 5,16). En leur parlant ainsi, le Seigneur leur recommande de ne pas parader, mais de vivre d’une manière agréable à Dieu. La lumière s’offre aux regards des hommes sans chercher à leur plaire ; pareillement, la vie agréable ä Dieu s’offre aux regards des yeux de l’esprit Nous ne chantons pas des hymnes ä l’air qui diffuse l’éclat de la lumière, mais au soleil qui la dispense. Et si nous célébrions l’air, combien plus nous faudrait-il célébrer le soleil ! II en est de même pour celui qui par les œuvres de la vertu, manifeste la clarté du soleil de Justice. Il élève l’esprit de ceux qui le regardent, vers La gloire du Père Céleste, du Christ le vrai Soleil de Justice.
Et pour ne pas parler maintenant des vertus les plus grandes, je vous dirai cependant que, quand je suis avec vous dans l’église et que je vois ceux qui font monter vers Dieu les hymnes et les prières avec sagesse et piété, ou encore celui qui se tient en silence, attentif au déroulement de la divine liturgie, ce spectacle me remplit d’enthousiasme et, dans la joie spirituelle, je glorifie le Christ notre Père Céleste, sans qui nul ne peut faire le bien et avec qui tout est possible aux hommes.
Que dire ce ceux qui bavardent à l’église, qui ne prennent pas part à la psalmodie, qui discutent entre eux, qui mêlent au culte de Dieu les affaires de ce monde, qui n’écoutent rien et empêchent les autres d’entendre ? Jusques à quand clocherez-vous des deux pied, comme dit le prophète Elie (1 Rois 18, 21), en voulant vous occuper à la fois, de la prière et des affaires terrestres et temporelles ? Vous ne faites que détruire les unes et les autres tout en portant préjudice à autrui. Quand abandonnerez-vous les conversations oiseuses, qui font du temple de Dieu une maison de marchands, un lieu où les passions dominent ?
Ici, c’est le lieu où retentissent les paroles de la vie éternelle, où sont adressées ä Dieu, avec une ferme espérance, des prières pour notre salut, où se font entendre en retour, les paroles de Dieu qui donne la vie éternelle à ceux qui la lui demandent de toute leur âme, de tout leur esprit et non ä ceux qui ne remuent même pas le bout de leur langue pour la lui demander.
De nos jours, le sacrifice ne s’offre plus par le feu comme au temps de Moyse, mais par la parole. Jadis, Dieu recevait le sacrifice qui montait au ciel par le feu et ceux qui offraient un feu étranger, comme les partisans de Coré, qui s’élevèrent contre Moyse, étaient immédiatement consumés par le feu sacré qui tombait sur eux (Nombres 16,1-35).
Gardons-nous d’offrir sur l’autel spirituel de Dieu, je veux dire l’Eglise, des paroles qui tiennent du dehors et sans rapport avec elle, pour n’être pas condamnés, à la fin, par les divines paroles dont elle est la porteuse, et mériter d’entendre la voix menaçante de Dieu prononçant notre condamnation.
Oui, je vous en supplie, soyons dans la crainte et, tant que nous nous trouverons en cette vie, en présence de Dieu, tenons-nous bien et offrons-Lui nos prières. Quand l’heure sera venue, ne quittons pas ce monde, sans avoir donné le signe d’un changement de vie vers le meilleur, libres de la passion du lucre injuste, ayant fui les serments, surtout les faux serments, les paroles honteuses, les actes blâmables, la médisance, l’envie, la jalousie, ayant guidé tous nos sens par l’esprit de sagesse. Ne quittons pas ce monde sans avoir porté dans la crainte de Dieu et selon la parole divine, notre corps matériel, non dominés par lui ni entraînés par ses désirs bas et illicites, ayant eu en vue tout ce que Paul dit à ce sujet, sachant que si nous avons vécu comme des hommes charnels, nous mourrons de la mort éternelle, et que si par l’esprit, nous avons brisé les désirs et les élans du corps, nous vivrons pour l’éternité (Rom. 8,13).
Des maintenant, exhortons tous ceux qui nous regardent, à glorifier Dieu, conscients que cette maison porte en elle le Christ qui presse ceux dont l’âme est paralysée, et leur recommande de diriger sur Lui leurs sens ainsi que leurs pensées, avec un esprit qui aime Dieu, afin d’atteindre le ciel, notre demeure réelle, les cieux supra-célestes, là où est le Christ, le Fils héritier et notre testateur.
A Lui gloire, puissance, honneur et adoration, à son Père Eternel et à son Saint, Bon et Vivifiant Esprit, maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen !
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