vendredi 7 janvier 2011

La Lumière du Thabor n°10. Figures célestes d'A; Kalomiros.

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Figures célestes

Alexandre Kalomiros

Le premier Dimanche du Grand Carême, notre Eglise célèbre la restauration du culte des Icônes, après la terrible persécution déchaînée par les Iconoclastes hérétiques contre les Orthodoxes, à travers tout l’empire de Byzance. Au cours de cette période, un grand nombre de chrétiens furent marty­risés : les uns pour avoir caché chez eux des Icônes, les autres pour avoir confessé qu’il n’y avait pas de christianisme sans Icônes, et que les chrétiens qui les reniaient, reniaient en réalité le Christ.

De nos jours, la plupart des gens considèrent comme étroitesse d’esprit, fanatisme, typolâtrie, folie que de sacrifier sa vie pour confesser sa croyance en de tels détails comme on dit. Il est vrai que les chrétiens d’aujourd’hui sont prêts à trahir et sans trop de remords, non seulement les Icônes mais aussi leur foi. On en voit actuellement applaudir en souriant ceux qui marchandent la Tradition de notre Eglise avec les hérésies.

Et pourtant, l’Eglise du Christ, n’a pas considéré comme un « détail » la question des Icônes. Pasteurs et brebis ont compris qu’il n’y a pas dans notre foi des choses primordiales et d’autres secon­daires : car notre foi ressemble à un tricot ; lorsqu’une maille échappe, le tout se défait. C’est ainsi que des pères, des mères, des enfants, des moines, des maîtres, des évêques se sont sacrifiés, dans la ferme assurance que leur sang arroserait et fortifierait l’arbre de l’Orthodoxie. Et l’Eglise, après sa victoire, a appelé le jour choisi pour célébrer le rétablissement du culte des Icônes : DIMANCHE DE L’ORTHODOXIE.

Cette question des Icônes, que beaucoup de contem­porains considèrent comme « bagatelle », a-t-elle été si grave pour que l’Eglise lui donne une si grande importance, au point de lier l’Icône avec l’idée de la pensée « juste », de la foi « droite » ?

Pour comprendre ce que signifient les Icônes dans la foi et dans la vie de l’Orthodoxie, nous n’irons pas chercher les anciens iconoclastes de Constantinople. Nous avons les nôtres, ceux de notre époque. Ils se divisent en trois catégories :

1) Les Protestants ou Evangélistes comme ils se nomment eux-mêmes. Ils rejettent les Icônes, les bannissent de leurs temples. Les Protestants, qui forment une foule d’hérésies, opposées les unes aux autres, sont cependant unis dans leur opposition aux Icônes.

2) Les Papistes ou « catholiques », comme ils se désignent eux-mêmes. Si pour la forme ils l’admettent, l’Icône n’est pas pour eux un objet sacré, mais un simple ornement ; elle est une image pieuse, elle ne porte rien de sacré, rien de saint. Elle est une œuvre humaine, qui suit la mode, comme toute chose humaine.

3) Les « Orthodoxes » dont la foi est vacillante, sont prêts à suivre les premiers ou les seconds.
Certains même sont indifférents à l’égard des Icônes. Ils sont influencés par les Protestants, qui disent que les Icônes sont des objets maté­riels, grossiers, incompatibles avec la religion du Christ, qui est toute spirituelle. D’autres encore, admettent les Icônes chez eux et à l’Eglise, mais ces Icônes là ne diffèrent en rien de celles des Papistes. Comme ces dernières, elles sont privées de tout caractère sacré. Elles sont des œuvres séculières, sans aucun rapport avec le Seigneur et ses saints. Elles peuvent bien en porter le nom, mais elles n’en sont pas moins des peintures théâ­trales drapées du Christ et de ses saints.

Voyons maintenant ce que les premiers de ces iconoclastes pensent des Icônes. Leurs arguments sont les mêmes que ceux des iconoclastes byzantins.

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Les Protestants disent : la coutume de peindre des Icônes n’a pas de fondement dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Ni le Christ, ni ses Apôtres, ne nous ont ordonné de faire des Icônes. Au contraire, dans l’Ancien Testament Dieu interdit catégoriquement cela : « Tu ne feras pas d’image taillée ni aucune figure de ce qui est en haut dans le ciel, ou de ce qui est en bas sur la terre, ou de ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles et tu ne les serviras point » (Ex. 20, 4-5) et « De peur que vous ne vous corrompiez et que vous ne fassiez une image taillée, figure de quelque idole, image d’homme ou de femme, toute image d’animal qui vit sur la terre, toute image d’oiseau qui vole dans le ciel » (Deut. 4, 16) et « Prenez garde à vous, pour ne pas oublier l’alliance que le Seigneur votre Dieu a contractée avec vous et pour ne pas faire d’image taillée, de figure quelconque de ce que le Seigneur ton Dieu t’a défendu. Car le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant, un Dieu jaloux ». (Deut. 4, 23-24).

Les Protestants disent aussi que dans l’Eglise Primitive, aux premiers temps du christianisme, il n’y avait pas d’Icônes ; que les Icônes furent introduites dans l’Eglise par une imitation funeste des païens.

Et que répondent les saints Pères aux arguments des iconoclastes ?
Voici : Il est vrai que Dieu a interdit aux Israélites de faire une image de Dieu. Et quelle image de Dieu auraient-ils faite ? Avaient-ils vu Dieu ?

Dans le même chapitre du Deutéronome IV 12, où il interdit aux Hébreux de faire son image, Dieu en donne la raison : « Alors le Seigneur vous parla du milieu du feu ; vous entendiez le son des paroles, mais sans voir de figure vous n’entendîtes qu’une voix » (Deutéronome IV, 12).

Quand je vous ai parlé, dit Dieu dans le feu du Mont Horeb, vous n’avez entendu que ma voix. Vous n’avez vu de moi ni image, ni figure. Si donc vous voulez faire quelque chose qui me ressemble, ce ne sera certainement pas mon image, puisque vous n’avez pas vu d’image de moi. Ce ne sera qu’une idole, quelque chose de ressemblant à un homme ou à une femme, à quelque animal qui marche sur la terre ou se meut dans le fond des mers, ou à toute autre créature. Il vous arrivera, en somme, ce qui est arrivé aux païens, qui ne connaissaient pas Dieu ; les uns ont divinisé des hommes, les autres des animaux, d’autres encore des astres et des créatures.
Et le Deutéronome répète : « Prenez bien garde à vos âmes, de peur que vous ne vous corrompiez… Car le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant, un Dieu jaloux ».

Les Juifs avaient donc raison de ne pas faire d’image de Dieu. Quelle image en auraient-ils fait ? Ils n’avaient entendu que la voix. Mais la voix n’a pas d’image.

Comme on le voit, Dieu n’était pas hostile aux images. S’il a interdit aux juifs de le représen­ter, c’est tout simplement parce qu’il était Esprit, le seul être vraiment spirituel. L’Esprit, l’Immatériel ne peut être peint que s’il emprunte une figure et apparaît aux hommes.

Quand Dieu s’est révélé et a parlé aux Hébreux, il n’a pas pris de figure. Il était donc impossible de faire de lui une image. Si les Hébreux avaient tenté d’en faire une, elle n’aurait pas été celle de Dieu, mais une fausse ressemblance : une idole.

Mais les Pères continuent de répondre aux Iconoclaste de tous les siècles, qu’il est faux de dire que l’Ecriture Sainte ne parle nulle part d’images. En effet, alors que Dieu interdisait aux Hébreux de le représenter sur des images, il deman­dait en même temps à Moïse les choses suivantes et bien étranges :

« Tu feras deux Chérubins d’or… que tu placeras de chaque côté du propitiatoire… Les Chérubins au­ront leurs ailes déployées vers le haut couvrant des ailes le propitiatoire… en se faisant face l’un à l’autre… Là, je me ferai connaître à toi… Je te parlerai du haut du propitiatoire, entre les deux Chérubins qui seront sur l’Arche du Témoi­gnage ». (Exode XXV, 17).

Dans un autre livre de l’Ancien Testament, celui des Nombres (VII, 89), on lit la narration suivante : « Lorsque Moïse entrait dans la tente de réunion pour parler avec le Seigneur, il entendait la voix qui lui parlait de dessus le propitiatoire placé sur l’arche du témoignage, entre les deux Chérubins. Et Il lui parlait… »

Ainsi donc, quand Moïse entrait dans la tente du témoignage, il entendait la voix du Seigneur lui parler entre les deux Icônes des Chérubins, placées au-dessus de l’Arche du Témoignage.

Voyez-vous combien les protestants et tous les autres iconoclastes s’égarent, quand ils prétendent que la Sainte Ecriture, c’est-à-dire Dieu, ne veut pas d’images ? Et il n’y avait pas que l’image des Chérubins, la tente entière du témoignage était une image, une Icône du ciel, du Saint des saints du Trône de Dieu, d’où Dieu parlait aux hommes et auprès duquel se tenaient les Chérubins, qui représentent les mondes célestes et jouissent de la familiarité de Dieu.

Et même si Dieu n’avait jamais demandé aux hommes de faire des Icônes, quelle importance y aurait-il à cela ? « On ne voit nulle part le Christ ordonner à ses apôtres d’écrire, ne fût-ce qu’une seule ligne, pas plus que Lui-même n’a écrit quelque chose, pour nous donner l’exemple. Et pourtant, les apôtres ont décrit son Icône avec des mots, dans les livres du Nouveau Testament. Pourquoi, conti­nue saint Théodore le Studite, considérer comme chose naturelle de décrire le Christ avec des mots dans des livres et anormal de le décrire avec des couleurs sur une Icône ? »
Les Protestants prétendent aussi, comme on l’a déjà vu, qu’aux premiers temps du christianisme il n’y avait pas d’Icônes. Mais les Catacombes les ont confondus. Elles sont pleines de peintures murales représentant le Christ, le Vierge, les Martyrs de l’époque. Il existe aussi des icônes gravées sur du métal, comme celle qui représente les apôtres Pierre et Paul. Il en existe également sur des vases sacrés des premiers siècles et on en découvre toujours d’autres. Il y a les crucifix que les martyrs portaient sur eux et dont l’un a été trouvé à Tomis de Roumanie, dans la région des mines d’or, où les Empereurs Romains déportaient les chrétiens condamnés « ad metalla », et aux travaux forcés.

Même si les Protestants avaient raison, même si ce qu’ils avancent était vrai, à savoir que dans l’Eglise primitive il n’y avait pas d’Icônes, qu’est-ce que cela prouverait ?

Mais l’Eglise Primitive n’avait même pas la Sainte Ecriture. C’est peu à peu que le Nouveau Testament a été écrit. D’autre part, au début, les livres du Nouveau Testament étaient des manuscrits épars. Ce n’est que longtemps après que l’Eglise a fait un choix parmi un grand nombre d’écrits ressemblants, qu’elle a réunis en un volume qu’elle a appelé le Nouveau Testament.

Faut-il détruire le Nouveau Testament parce qu’il n’a pas existé dès le commencement ? Mais qu’y a-t-il eu dès le commencement ? Y a-t-il eu des églises ? Les premières liturgies étaient célébrées dans des chambres hautes et dans des catacombes. Est-ce là qu’il nous faut continuer ?

C’est tout simplement parce que l’Eglise des premiers siècles, pauvre, exposée aux continuelles persécutions, n’avait pas encore ses artistes ni les moyens de créer beaucoup d’icônes ; celles qu’on a trouvées dans les catacombes et ailleurs, suscitent notre admiration, car elles ont été peintes dans des souterrains, sans la lumière du soleil, à la lueur des bougies et sous le glaive des persécuteurs.

Peut-être certains diront : « Nous admettons que dans le christianisme il n’est pas interdit de faire des icônes, nous reconnaissons même que c’est beau, que les images sont des éléments décoratifs pour une église, mais n’allez pas nous raconter que l’icône est quelque chose d’indispensable au christianisme, n’allez pas nous raconter aussi que ces fanatiques qui furent martyrisés lors des per­sécutions iconoclastes pour défendre les Icônes, savaient ce qu’ils faisaient et si vraiment les icônes valaient la peine que l’on versât son sang pour elles ».

- Pourquoi, en vérité, tant de milliers d’hommes furent martyrisés lors des persécutions iconoclas­tes ?
- Pour la même raison, la même pour laquelle les martyrs des premiers siècles du christianisme se firent égorger ; ils s’immolèrent pour ne pas renier le Christ.
- Mais, dira encore quelqu’un, est-ce que les ico­noclastes n’étaient pas des chrétiens ? Quand ont-ils exigé des orthodoxes de renier le Christ ?
- Il est vrai que les iconoclastes se disaient chrétiens, tout comme les iconoclastes contempo­rains se veulent chrétiens. Mais il ne suffit pas de se dire chrétien pour l’être ; et les iconoclas­tes de Constantinople comme ceux d’aujourd’hui sont des négateurs du Christ, et voici pourquoi :
Nous avons vu que Dieu, tout en interdisant aux Hébreux de faire son image, avait demandé à Moïse de faire des icônes des deux Chérubins et de les placer dans le Saint des saints, lui indiquant avec beaucoup de détails comment elles devaient être exécutées. Pourquoi donc Dieu, qui demandait de représenter les Chérubins, interdirait-il sa propre représentation ? Comme nous l’avons vu, la réponse est simple : Dieu ne s’était pas manifesté aux hommes dans une forme visible.

Mais quand la « plénitude des temps » est venue et que Dieu a revêtu la chair et s’est fait homme, après avoir vu sa forme, après avoir vu la face de Dieu, nous avions alors, non seulement le droit de faire son image, mais le devoir, l’obligation ; car ne pas faire l’Icône de Dieu dans la forme de la chair qu’il a revêtue revient à ne pas reconnaître que Dieu s’est fait homme.

La négation de l’Icône, c’est la négation du Christ, c’est la négation de l’économie divine, c’est la négation de notre salut.

Voici comment l’Eglise chante cette vérité :

« Indescriptible dans ta nature divine, maintenant incarné tu veux être décrit ».
« En peignant sur l’Icône ta face divine, nous proclamons clairement ta nativité ».
« Celui qui me voit, voit Celui qui m’a envoyé » dit le Seigneur (Jn. XII, 45).

Et quelque part ailleurs il dit à Philippe qui lui demande de lui montrer le Père : « Je suis si longtemps avec vous et tu ne m’as pas encore connu, Philippe ? Celui qui m’a vu a vu le Père, et comment peux-tu dire montre-nous le Père ? » (Jn. XIV, 9).

Et c’est justement ce que fait l’Eglise, en montrant à ses enfants, à travers les siècles, l’Icône du Christ ; elle leur montre leur Père Céleste. Elle enseigne et confesse que le Dieu Céleste et inaccessible a revêtu la chair et s’est fait homme par amour pour nous les hommes. Et maintenant nous savons quel Dieu nous adorons, car nous le voyons face à face.

Combien est vraie la parole de saint Jean Damascène : « Ce que l’Evangile nous expose par des paroles, le peintre nous le montre par son œuvre ».

Ainsi donc, pour notre Eglise, l’Evangile et les Icônes sont d’une importance égale. Toute disposi­tion iconoclaste est une folie antichrétienne. Puisque Dieu dans la personne du Christ a offert sa face au monde, c’est une insulte de notre part que de vouloir l’en chasser. Tous ceux qui prétendent être gênés par les Icônes dans leur prière, le sont en réalité par le Dieu incarné. C’est comme s’ils disaient, le Christ a mal fait en prenant la forme et la personne humaines. Les Juifs et les Mahométans qui refusent d’avoir des images, sont consé­quents, car ils ne croient pas en l’Incarnation de Dieu. Tandis que les Protestants et les autres iconoclastes sont des insensés, sans justification aucune.

Nous ne pouvons aller au Père, au Dieu immatériel, informel, incompréhensible, que par le Fils, corme le Seigneur lui-même l’a dit ; car le Fils est venu à nous dans la chair, c’est-à-dire dans une forme. Comment rejetterions-nous cette forme (son Icône) sans courir le risque de ne pas parvenir jusqu’au Père ?
« Nul n’a jamais vu Dieu », dit saint Jean le Théologien, « le Fils Unique qui est dans le sein du Père nous l’a révélé » (Jn 1, 18). Et saint Jean Damascène écrit « Dieu qui n’a ni corps, ni forme, ne pouvait être représenté dans le passé. Mais à présent qu’il est venu dans la chair et qu’il a habité parmi les hommes, je représente sa face visible ».

Comme l’Evangile, l’Icône nous parle de la vérité. « Je suis la voie, la Vérité et la Vie », a dit le Christ. Sans aucun doute, la Vérité possède son Icône. La Vérité n’est pas quelque chose d’abstrait, elle n’est pas un ou plusieurs concepts. C’est quelque chose de concret, de vivant, Elle est une Personne, la Personne du Christ Incarné.

Quand nous représentons la Personne du Christ sur une Icône, nous ne représentons ni la nature di­vine, ni la nature humaine, car l’une comme l’autre ne peuvent être décrites. Sur l’Icône, nous repré­sentons la Personne du Christ, c’est-à-dire l’hypostase incarnée de la seconde Personne de la Sainte Trinité, qui unit en Elle, d’une manière incompréhensible, sans confusion et indivisiblement, la nature divine et la nature humaine.

Dans le portrait d’un homme concret on ne représen­te pas la nature humaine, qui est indescriptible, insaisissable ; de même, dans l’Icône du Christ, on ne représente pas, on ne figure pas la nature divine qui est inaccessible, insaisissable. On ne représente que la personne du Christ, qui volontairement s’est fait homme.

Ce qui vient d’être dit sur l’Icône du Christ, implique la représentation des saints sur des Icônes. L’Incarnation du Christ est le fondement théologique des Icônes de la Vierge et des Saints. Car c’est par l’Incarnation de Dieu que la possibilité de la déification a été donnée à l’homme.

Si les saints étaient représentés sur les Icônes comme de simples hommes, personne n’irait demander aux chrétiens pourquoi ils les représentent. Nul ne s’est jamais scandalisé du portrait d’un homme. Mais les saints ne sont pas représentés sur les Icônes comme de simples hommes, comme dans les portraits, mais comme des hommes dignes de vénération, comme des hommes sanctifiés, déifiés par l’opération divine.

Et cela est un grand scandale pour les âmes des infidèles et des iconoclastes. « Vous êtes des idolâtres, nous disent les Protestants, vous adorez des statues de bois, des images d’hommes ».

Nous n’adorons pas des images d’hommes, ô hommes aveugles ! mais la grâce, la force de Dieu qui habite les hommes, leurs corps, leurs icônes comme leurs âmes. L’idolâtrie c’est le culte d’un faux dieu, qui n’a rien que de matériel, qui est le produit de notre esprit. Ce n’est pas de l’idolâtrie que de vénérer un objet sacré, comme l’Icône, l’Evangile, la Croix, puisque la vénéra­tion ne s’adresse pas à l’objet en soi, ni à un faux dieu, mais au Dieu véritable, au Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, qui sanctifie l’objet. Ce n’est pas une idolâtrie que de vénérer une créature quand la vénération et le culte reviennent au Créateur qui l’a sanctifiée. Le Christianisme n’est pas une philosophie abstraite. C’est le culte d’une personne concrète, du Christ, du Dieu qui a pris chair et os pour sanctifier la matière de l’univers.
En Christ, toute la création a été sanctifiée, la matière est devenue le canal par lequel la grâce de Dieu vient chez les hommes.

Nous vénérons l’Icône, mais nous ne lui rendons pas un culte. C’est à Dieu que nous rendons le Culte. C’est parce que nous adorons Dieu que nous vénérons son icône et l’icône de ceux en qui Il a habité. Le culte est une chose, une autre la vénération. Il en est de même de l’honneur et de la vénération que nous rendons aux saints. Nous honorons les saints et nous les vénérons, parce qu’ils sont les réceptacles de la grâce de Dieu. En honorant les saints et en vénérant leurs icônes, nous adorons Dieu qui les a sanctifiés.

Le corps d’un saint, tant au cours de sa vie qu’après sa mort, est un habitacle de la Sainte Trinité : « J’habiterai en eux et je marcherai avec eux, dit le Seigneur ».

« Celui qui m’aime, dit le Christ, garde ma parole. Mon Père l’aimera, nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure ».

« Ne savez-vous pas, dit aussi l’apôtre Paul, que vos corps sont le temple du Saint Esprit qui est en vous ? »

Les corps des saints sont des vases de la grâce de Dieu ; durant leur vie comme après leur mort, chacun de nous peut venir y puiser.

C’est pour cela que nous chrétiens orthodoxes, nous vénérons les reliques des saints, leurs « tentes » comme nous disons. C’est pourquoi les icônes des Saints comme leurs « tentes », c’est-à-dire leurs corps, opèrent des miracles, car dans ces créatures matérielles la grâce de Dieu habite.

« Durant leur vie, dit saint Jean Damascène, les saints sont remplis du Saint Esprit. Après leur mort, la grâce du Saint Esprit continue d’habiter leurs âmes, ainsi que leurs formes, leurs corps dans les sépulcres, de même que leurs icônes, et cela non selon l’essence, mais par la grâce et l’énergie »

Voilà pourquoi, nous les orthodoxes, nous vénérons les icônes. Par la grâce de Dieu, l’Icône participe à la sainteté de son prototype. Par l’Icône, nous participons à cette sainteté, dans la mesure de la pureté de notre cœur, nous recevons la grâce qui jaillit du bois de l’Icône. Nous sommes mystiquement sanctifiés par l’opération du Saint Esprit.

L’Icône est donc une des voies qui nous conduit à Dieu, elle est une échelle qui nous fait monter au Ciel. De même le Temple, l’église où nous nous rassemblons pour les divers offices et la divine liturgie, est un « ciel terrestre » selon l’expres­sion des Pères. Le Christ y est présent par son Corps et son Sang et par son Icône. La toute Sainte, sa Mère, est également présente par son Icône. Tous les saints avec les puissances angéliques y sont également présents par leurs Icônes, placées sur l’Iconostase et tout autour sur les murs.

Pendant la Liturgie, les fidèles réunis dans l’église entrent en contact avec le ciel, parce que les prières liturgiques et les Icônes qui les entourent les y font monter.
Qu’on n’aille pas penser que cette ascension est un phénomène psychologique, une pure élévation intellectuelle, atteinte par les paroles de la prière et les Icônes qui nous rappellent le Ciel. Non !

Quel étrange vouloir que le vouloir de Dieu ! Il a choisi l’humble matière que nous méprisons pour en faire le véhicule de sa grâce. L’huile des malades, l’eau du Baptême, l’huile du Saint Chrême, le pain et le vin de l’Eucharistie, les corps des saints et leurs Icônes, toutes ces choses matérielles, nous font pourtant monter au ciel, beaucoup plus haut que les idées grandes et sublimes que nous, les hommes, pouvons concevoir avec notre pauvre cerveau.

*****

Que tout ce que nous avons dit jusqu’ici soit considéré comme une réponse à tout ce que les iconoclastes contemporains, Protestants, Evangélistes, Réformés, avancent contre nous.

Il y a aussi, comme on l’a dit au début, ceux qui admettent les Icônes, mais en les déformant, en en altérant le sens, faisant d’elles, d’objets litur­giques et sacrés, des éléments décoratifs, plein de l’esprit du monde et de la chair. Ces iconoclastes se disent « catholiques » (papistes). Ils sont plus dangereux que les premiers. Mieux vaut expulser de l’Eglise et de chez soi les Icônes du Christ et des Saints que d’y introduire des peintures qui déforment et ridiculisent les personnages sacrés, déprécient notre religion aux yeux des hommes de ce monde et affaiblissent l’éclat de la flamme spirituelle que doit faire naître en eux la grâce de Dieu.

L’Eglise « catholique » a confié la peinture des églises à des hommes, qui certes, étaient de grands peintres, mais nullement des croyants chrétiens. Ces peintres choisissaient dans les rues de beaux jeunes gens, aux traits plus féminins que virils, Les faisaient poser comme modèles et, l’imagination aidant, peignaient un « Christ », plein de beauté charnelle, aux expressions théâtrales, aux attitudes et aux gestes affectés, étrangers à l’esprit chrétien.

D’autre part, on sait par l’histoire que les tableaux les plus célèbres des peintres de la Renaissance, représentant la vierge, ont eu pour modèles des prostituées renommées de cette époque. Il en fut de même pour la représentation des différents saints.

Avec la tolérance de l’Eglise d’Occident, souvent même avec ses applaudissements et son admiration, ces peintres ont présenté à l’humanité les personnages sanctifiés de notre foi absolument différents de la réalité. Leur but, c’était surtout de montrer leur talent et rien d’autre. Ils n’avaient nul souci d’élever au ciel les âmes de ceux qui regarderaient leurs œuvres. Au contraire, ils n’ont cherché qu’à remplir les yeux et les âmes de la vaine beauté charnelle, étrangère à l’esprit de l’Evangile. Voilà pourquoi cette espèce d’iconoclastes est pire que la première. Il est encore plus honorable, en effet, de renier les Icônes et le Christ, que d’admettre des Icônes qui, au lieu d’enseigner la religion du Christ, prêchent une religion altérée, déviée, une religion mécon­naissable ; mieux vaut n’avoir pas d’Icônes que d’en avoir qui amollissent les âmes des fidèles, nuisent à leur esprit et suggèrent un christianisme bien différent de sa réalité.
Les Occidentaux disent qu’il est normal que diffé­rentes écoles de peinture religieuse existent, que chaque peintre tente de peindre le Christ aussi bien qu’il le peut et aussi beau qu’il le sent. Mais le Christ et ses Saints étant des personnes concrètes, ne nous donnent pas le droit de les peindre comme nous les imaginons, fût-ce même avec une pieuse imagination.

Dans le christianisme, l’Icône comme la Parole, parlent de la Vérité. Il n’est pas permis de pein­dre le Christ selon l’idée que chacun se fait de lui, car ce n’est plus Lui que nous peignons mais un personnage imaginé, que nous appelons arbitrai­rement Christ. En intitulant une telle « icône » « Jésus Christ », nous proférons un énorme mensonge et nous trompons les hommes. Il faut représenter le Christ tel qu’il est et non comme nous pensons qu’il est.

L’iconographie orthodoxe est par excellence un art réaliste. L’imagination n’y a aucune place. L’Icône comme la Sainte Ecriture se fonde sur des données historiques. Elle décrit les données historiques de notre foi avec la couleur et la forme, tandis que la Sainte Ecriture les décrit avec la parole écrite. On peut affirmer qu’une Icône Orthodoxe n’exprime autre chose que ce que dit la Sainte Ecriture. Le Christ doit apparaître sur l’Icône tel qu’il apparaît dans les Saintes Ecritures et dans la conscience de l’Eglise. Un saint doit également figurer sur l’Icône tel qu’il apparaît dans l’his­toire et dans les synaxaires. Il est impie et inadmissible d’utiliser l’imagination pour décrire par la parole écrite ou proférée, des faits de la vie du Seigneur. Il est également impie et inadmis­sible d’utiliser l’imagination pour peindre les mêmes événements avec le pinceau.

La vérité que l’Eglise proclame peut être altérée non seulement par la parole, mais aussi par l’Icône, et ce n’est pas en parlant ou en écrivant qu’on risque de devenir hérétique, mais également en peignant.

Comment un iconographe pourra-t-il donc rester orthodoxe ? Comment évitera-t-il l’écueil facile de l’altération de la Vérité avec son pinceau ? Comment réussira-t-il l’œuvre difficile de transmettre la Vérité dans la figure du Christ et celle des saints qu’il va peindre ?

La voie que doit suivre l’iconographe pour rester orthodoxe dans son œuvre ne diffère en rien de celle que doit suivre le prédicateur ou celui qui écrit des livres religieux. Elle n’est pas différente de la voie de tout chrétien qui veut croire « juste ».

Que doit faire un chrétien pour être orthodoxe ?

Tout d’abord il doit être humble et avoir le sentiment qu’il est petit et pécheur. L’humilité et la contrition purifieront son cœur pour qu’il voie juste. « L’orgueil pousse à l’innovation, ne pou­vant supporter ce qui est ancien », écrit saint Ephrem le Syrien. Le chrétien doit jeûner et prier dans le recueillement. Il doit suivre humblement l’enseignement des Pères de l’Eglise, tâcher d’imi­ter leur vie, pour devenir digne de la lumière qui vient d’En-Haut. Tout cela est aussi indispensable à l’iconographe qui veut peindre des Icônes ortho­doxes. Il doit être humble. Il doit regarder com­ment les pieux iconographes de l’Eglise ont peint des Icônes au cours des siècles et jusqu’à nos jours et peindre comme eux, sans innover, sans repousser « ce qui est ancien ».
Il doit beaucoup prier, jeûner, afin que Dieu lui ouvre les yeux de l’âme pour voir ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est spirituel et ce qui est charnel. Il doit avoir la force de ne pas se soumettre au goût de la clientèle, des prêtres, des conseillers parois­siaux, des particuliers, qui, malheureusement, ignorent ce qu’est une Icône orthodoxe et qui ne peuvent discerner ce qui est esthétique et ce qui ne l’est pas.

Peut-être quelqu’un pensera : puisque l’iconogra­phie orthodoxe est par excellence un art réaliste, qui n’admet pas du tout l’imagination, alors la meilleure Icône c’est la photographie et tout ce qui s’en approche le plus, car elle seule peut représenter une personne avec une parfaite objecti­vité.

Il n’y a pas d’erreur plus grande que de croire que la photographie peut représenter un homme. Aucune photographie ne l’a jamais représenté, et les millions de photos faites jusqu’à ce jour n’ont pu y réussir.

Une photographie représente les apparences, les réalités extérieures de l’homme. Elle ne peut pas représenter sa réalité intérieure, l’homme dans toute sa plénitude. La photographie représente l’homme comme il apparaît mais pas tel qu’il est dans sa réalité. Grand et admirable serait le pein­tre, qui tout en faisant le portrait d’un homme, exprimerait en même temps les qualités de l’âme, du cœur, de l’esprit et qui rendrait par les formes, les raisons et le mystère des êtres, des créatures, de la création. Un tel art, un art vrai ne pouvait jaillir que de la Vérité, et seule l’Eglise du Christ pouvait l’enfanter. Et cet art c’est l’Icône orthodoxe, la peinture byzantine. Elle seule peut peindre un être, et en même temps exprimer la vérité de sa face ; elle seule a la force de représenter la sainteté cachée dans le mystère des qualités des Saints, la divine lumière, l’éclat de l’amour divin, la charité, l’humilité, la contri­tion, l’innocence. Elle seule peut montrer à ceux qui ont des yeux spirituels, la nouvelle création inaugurée par l’incarnation de Dieu, la déification de l’homme.

Les Icônes montrent à nous pauvres hommes le Règne de Dieu qui vient avec puissance, selon la mesure des possibilités de chacun, de sa réceptivité, comme la Transfiguration du Seigneur sur le Thabor a montré aux trois disciples la gloire « autant qu’ils pouvaient la voir ».

Les choses spirituelles que cet art révèle à nos yeux ne peuvent être perçues par tous. Seuls le peuvent ceux qui sont en mesure de comprendre la profondeur spirituelle des Icônes byzantines. Les autres en perçoivent la beauté esthétique, et encore…

L’Icône ne représente pas le corps périssable d’un saint, mais la réalité éternelle de sa personne. C’est pourquoi nous disons que l’art byzantin est par excellence réaliste, car il ne se limite pas à une fidèle représentation d’un des aspects de la réalité matérielle, sentimentale, mais avec les pauvres moyens humains, il rend toute la réalité de l’être humain, la réalité de l’homme déifié. A travers le visible, l’Eglise voit l’invisible, à travers le provisoire elle voit l’éternel. Dans l’Icône byzantine, ont lieu d’étranges et d’incom­préhensibles rencontres : l’éternité se révèle dans le temps, le ciel descend sur la terre et entoure les mortels.


Voilà pourquoi les Pères disent que le temple ou l’église, cet édifice où se rassemblent les fidèles, avec ses Icônes peintes sur les murs et sur le bois, avec tout ce qui s’y dit, tout ce qui s’y célèbre, est une Icône, une image du ciel, une projection du ciel, bien que réalisée par des moyens périssables, sur cette terre périssable.

Pour peindre l’Icône d’un saint, on doit avoir goûté à la sainteté, avoir vécu l’expérience de la grâce de Dieu. On doit avoir reçu, autant que l’âme peut la contenir, la lumière divine. Le peintre qui ne possède pas tout cela, doit alors être très attentif, car chaque coup de pinceau peut le conduire à l’hérésie. Il ne reste alors qu’une voie : marcher fidèlement sur les traces des anciens iconographes et peindre rigoureusement comme eux. C’est ainsi qu’il se gardera de toute erreur et donnera à son œuvre le sceau de l’éter­nité. Et spirituellement, il sera gagnant, car, attaché aux modèles laissés par nos Pères, il goû­tera lui aussi à l’éternité, participera à l’expé­rience des saints iconographes du passé, à l’expérience de l’Eglise.

Beaucoup de chrétiens sont choqués par l’aspect ascétique des Icônes, ils sont même effrayés par le visage austère du Christ et des saints des Icônes byzantines.

La plupart d’entre eux ne veulent voir dans l’Icône du Christ qu’un homme. Ils craignent de se trouver devant Dieu. Mais le Christ est Dieu-Homme ! Malheur à ceux qui veulent le représenter aux yeux du monde comme homme seulement. Tous ceux qui représentent le Christ, sur ces images « sucre-sel », comme homme ordinaire et ceux qui introduisent dans leurs maisons et dans les églises ces reproductions achetées au bazar (il s’agit ici des mauvaises reproductions des images Saint Sulpice vendues sur tous les bazars de Grèce) ne diffèrent en rien de l’hérétique qui enseigne que le Christ n’est pas Dieu, mais un simple homme, même si dans leur impardonnable indifférence, ils ne comprennent pas leur erreur et leur péché.

Comme on l’a dit, on ne devient pas hérétique par la parole seulement ou par la plume, on le devient aussi par les Icônes que l’on accueille chez soi ou à l’église. C’est pourquoi saint Jean Damascène a dit cette parole redoutable : « Montre-moi les Icônes que tu vénères et je te dirais ce que tu crois ». Si saint Jean Damascène entrait dans nos maisons et s’il voyait nos Icônes qui sait s’il trouverait beaucoup d’entre nous orthodoxes ?

D’autre part, si l’on examinait ceux qui altèrent les Icônes, on découvrirait que leur foi a changé, qu’elle est devenue psychique, comme le dit l’Apôtre Paul, c’est-à-dire sentimentale, plate, fausse, pas du tout spirituelle.

Que l’aspect ascétique de l’Icône du Christ et de ses Saints ne nous fasse pas peur ; cet aspect austère et douloureux cache ce mystère de la piété en Christ. Il ne faut pas oublier que la plupart des saints, comme on le chante à l’Eglise, ont « par le flot de leurs larmes fertilisé l’aride désert et par leurs profonds gémissements et leurs douleurs ont porté du fruit au centuple… » Que l’on n’aille pas penser que cette tristesse en Christ, cette vie dans les larmes et les soupirs est une infortune. Tout au contraire l’affliction en Christ est la seule voie vers le bonheur céleste, auquel les saints goûtent dès ce monde, c’est le deuil joyeux, comme disent les Pères, ce mélange de joie et de tristesse, plein de sérénité, d’humilité et d’amour.
« Nul ne connaît la joie qui vient des larmes, écrit saint Isaac le Syrien, si ce n’est celui qui a livré son âme à cette œuvre ». C’est donc de l’affliction en Christ que viennent l’allé­gresse et la joie. Celui qui peut sentir ces choses, sentira la grandeur, la beauté incomparable des Icônes byzantines, que pour l’instant il juge sans attrait, envahi qu’il est par l’esprit du monde.

Voici comment saint Syméon le Nouveau Théologien décrit le changement qui s’opère sur la face de ceux qui progressent dans la sainteté : « Je connais certains d’entre vous, dit-il à ses disciples, qui prennent place à la table commune, avec un cœur contrit et humilié et qui ne mangent aucun des simples mets qui leur sont présentés, mais demeurent en silence, l’âme recueillie et en larmes, pleine de prières et de supplications, d’efforts spirituels, de prosternations, au point qu’ils ont été « transformés en cette bienheureuse transformation » et ont acquis cette beauté ascétique ». Voyez comment ce grand Père de l’Eglise considère la beauté ascétique qu’il appelle « la Belle Transformation » ?

Vraiment belle est l’apparence ascétique des Icônes ; les hommes charnels dont l’esprit est celui du monde, ne peuvent sentir cette beauté et c’est un grand dommage pour leur âme.

Celui qui n’a pas appris à regarder les Icônes byzantines perd beaucoup ! Car leur seule vue procure aux chrétiens un grand bienfait.

Une petite histoire empruntée au « Ghérontikon » (ou vies des Anciens) expliquera mieux ce que je dis : « Trois frères avaient coutume de visiter une fois l’an le bienheureux Antoine. Deux d’entre eux interrogeaient le saint au sujet des pensées et du salut de l’âme. Le troisième ne demandait rien et gardait le silence. Longtemps après, Abba Antoine lui dit : « Tu viens ici depuis longtemps et tu ne demandes jamais rien ? » Et lui de répondre : « Père, il me suffit de te regarder ».

Vous voyez donc le grand bienfait spirituel que procure la seule vue des Saints et surtout celle des austères ascètes du désert, comme Antoine le Grand ? C’est le même bienfait que procure la vue des Icônes byzantines. Heureux ceux qui possèdent de telles Icônes chez eux et dans l’Eglise de leur paroisse.

Les Icônes ne sont pas des objets décoratifs, mais des objets sacrés. Elles ne sont pas des peintures, des tableaux, mais des porteuses de la grâce divine, des échelles qui montent au ciel, des figures des choses célestes. Elles représentent le royaume des cieux, le Paradis, avec le Christ dans sa gloire, entouré de ses saints, tels des luminaires seconds éclairés par l’énergie de sa divinité. Les Icônes sont les images de la nouvelle création, du monde impérissable et éternel. Elles sont des images de la déification de l’homme, accomplie lors du siège à la droite de Dieu dans les cieux, du Corps adorable et impérissable du Sauveur.

Sous l’humble matière de l’Icône, se cache la force de Dieu, qui a sanctifié les Saints et par eux a fait des miracles. C’est cette force que nous adorons quand nous baisons de nos lèvres une Icône ; quand nous la vénérons, nous rendons notre culte au seul Dieu Trinité.
Ces objets sacrés, nous ne pouvons les créer comme bon nous semble, selon nos goûts charnels, ni les placer comme il nous plaît, comme des tableaux dans un salon ou ailleurs, parmi des objets profanes de ce monde.

Dans chaque maison, il devrait y avoir un coin réservé aux choses saintes : eau bénite, Evangile, Couronnes, phylactères et livres sacrés, avec une lampe toujours allumée. L’encens devrait y monter : avec notre prière, encens spirituel.

« Frères, dit saint Grégoire le Théologien, ne fai­sons pas d’une façon impure ce qui est saint, d’une façon laide ce qui est digne. Pour être bref, ne faisons pas d’une façon terrestre ce qui est céleste. Dans notre religion, tout est spirituel : les actes, le mouvement, le désir, les conversations, la démarche, les vêtements, les gestes ; car l’esprit se répand partout et avec tout cela fait de l’homme un homme de Dieu ».

Et saint Grégoire Palamas écrit : « Tu feras avec amour l’Icône de celui qui s’est fait homme pour nous. Par elle, tu te souviendras de Lui et par elle tu l’adoreras. Par elle, tu élèveras ton es­prit jusqu’au Corps Adorable du Sauveur qui est assis à la droite de Dieu dans les cieux. Tu feras aussi les visages des Saints et tu les vénéreras, non comme des dieux (cela est interdit)… mais comme Moïse qui a fait les Icônes des Chérubins dans le Saint des Saints. Ce Saint des Saints figurait les tabernacles célestes, et le sanctuaire, le monde entier. Moïse a appelé ces choses saintes ; il ne leur a jamais rendu gloire, mais par elles, il a glorifié Dieu le Créateur de l’Univers ».

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